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elle un être intelligent, doué de discernement et en possession de son libre arbitre. Quand la loi, son maître jaloux, l’enferme dans des liens étroits qui gênent tous ses mouvemens et la privent de tout essor, il peut y avoir encore des agens qui se décorent du titre d’administrateurs, mais il n’y a plus d’administration. Ce système, grace au bon sens du pays, n’a pas prévalu en France : l’administration y jouit d’une latitude non pas excessive, comme le prétendent quelques publicistes, mais étendue et presque toujours suffisante. Nos législateurs ont préféré avec raison son action souple, accommodante et équitable aux prescriptions inflexibles et à la raideur des dispositions qu’ils pouvaient établir ; mais ils ont pris leurs sûretés et ont voulu que les délégations nombreuses qu’ils lui faisaient fussent toujours soumises à de certaines conditions et contenues dans des limites déterminées.

Tantôt la loi désigne l’autorité qui devra prononcer sur les questions qu’elle renvoie à l’administration : ainsi elle exige que la décision soit rendue par un arrêté de préfet ou de ministre, par une ordonnance du roi ; en transmettant le pouvoir, elle désigne la main qui en sera dépositaire.

Tantôt elle exige que l’instruction des affaires soit l’objet de certaines garanties : ainsi elle ordonne des expertises, elle impose l’obligation de prendre l’avis de tel conseil, du conseil d’état par exemple, ainsi que nous venons de le voir ; elle prescrit la communication des pièces aux parties intéressées, exige qu’elles soient entendues et les autorise à se défendre.

Tantôt enfin elle ne concède à l’administration qu’un mandat limité. Elle la charge de statuer, mais en lui imposant certaines règles dont elle lui interdit de s’écarter : ainsi elle l’autorise à inscrire d’office des dépenses au budget d’une commune, mais elle ne le lui permet que quand il s’agit de dépenses obligatoires ; elle l’autorise à déterminer l’emplacement d’un cimetière, mais elle fixe les distances qui devront être maintenues entre cet emplacement et les habitations.

Il est même des cas dans lesquels l’administration, bien que préposée à certains soins, n’est investie d’aucun pouvoir discrétionnaire. Ainsi elle est chargée de délivrer les brevets d’invention, mais elle n’en peut refuser à quiconque consigne une somme et accomplit des formalités matérielles légalement prescrites.

Les limites que sa puissance reçoit des volontés de la loi résultent en d’autres cas des règlemens émanés de la couronne ou de ses pro-