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qu’elle ne soit pas neuve, la division n’existe pas seulement sur la solution à adopter, elle se produit sur les termes même de la question ; si nous parvenons à les préciser avec exactitude, nous aurons fait faire un pas au débat ; nous en aurons peut-être hâté la conclusion.


Qu’est-ce donc que le contentieux administratif ? Tel est le premier point à éclaircir.


Les opinions les plus erronées sur sa véritable nature ont été exprimées par des publicistes, par des jurisconsultes fort éclairés : ils ne voient en lui qu’un assemblage de contestations distinctes, disparates, réunies, par la force de la loi, sous une qualification commune, et enlevées violemment à la juridiction des tribunaux civils. Les juridictions administratives ne composent, selon eux, qu’un démembrement de la justice ordinaire opéré par l’esprit révolutionnaire ou par le despotisme, au détriment des droits privés et de la liberté des citoyens. Ils ne font consister le véritable contentieux administratif, dégagé de ces emprunts, que dans le règlement de simples intérêts sur lesquels l’administration doit exercer une pleine autorité ; intérêts qu’elle pèse, si elle veut, avec un soin spécial, qu’elle défère par condescendance à des conseils pour avoir leur avis, mais qui, en définitive, ne relèvent que d’elle et dépendent de son jugement libre et absolu.

À l’occasion du livre par lequel M. Macarel a ouvert la série de ses travaux si clairs, si méthodiques, si substantiels sur le droit administratif, un publiciste éminent a publié, en 1828, dans la Revue française, un article fort savant, fort disert, fort logique, où il soutient cette opinion. Le contentieux administratif ne doit comprendre, à l’en croire, que « les réclamations élevées sur le mérite, la justice, l’opportunité d’une mesure prise par le gouvernement, discrétionnairement et dans la limite de ses pouvoirs. » Il attribue au contentieux judiciaire « toute plainte qui se fonde sur les termes exprès d’une loi, d’un décret, d’une ordonnance, d’un arrêté ; toute question dont la solution se trouve écrite d’avance dans un texte, tellement que, les faits étant vérifiés, il ne reste plus qu’à voir ce que porte le texte invoqué, jusqu’à quel point il s’applique ou ne s’applique pas. »

Toute cette théorie repose sur une confusion, sur une appréciation inexacte des élémens dont se compose réellement le contentieux administratif. Il est vrai que plusieurs contestations qui, par leur nature, appartiendraient aux tribunaux, ou qui ne mettent en jeu