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en dissentiment, soit par tout autre motif, il en réfère au ministre et expose ses doutes ; mais, si le ministre insiste, il doit déférer à son invitation.

Il n’est point un pouvoir public armé d’initiative : en conséquence, il peut bien, à l’occasion d’une affaire déférée à son examen, traiter une question accessoire et connexe, signaler une faute commise, rappeler une règle méconnue ; mais il n’a pas le droit de s’emparer d’office d’une question ou d’une affaire qui ne lui seraient point soumises.

Il est placé auprès du gouvernement pour le service public : en conséquence, les ministres seuls peuvent le consulter ; bien qu’il défende et soutienne les intérêts privés quand il les trouve appuyés sur le bon droit, les citoyens ne sont pas autorisés à le mettre en action ; il n’a point à statuer sur les réclamations qui lui seraient adressées par eux.

Il forme un conseil administratif intérieur : en conséquence, ses séances ne sont point publiques et ses avis ne peuvent être publiés que du consentement des ministres intéressés. La publicité dénaturerait la discussion, donnerait à la critique les couleurs de l’opposition, et priverait les communications qui s’échangent sans cesse entre lui et le gouvernement, de la confiance et, si l’on peut ainsi dire, de l’intimité qui les rend libres et sincères.


Les ministres sont toujours maîtres de lui adresser toute question, fût-elle politique ou judiciaire ; leur droit n’a point de limites. En certains cas même, la loi leur fait un devoir de le consulter. Son avis n’est point obligatoire, mais il doit être pris ; il devient un élément nécessaire de l’instruction, sans lequel toute décision ultérieure manquerait de régularité et parfois d’une force légale suffisante pour commander l’obéissance aux citoyens.

Pour le travail préparatoire des lois, son intervention est facultative ; malgré les considérations puissantes qui doivent faire désirer qu’il soit consulté sur la plupart des projets, leur présentation et leur rédaction touchent si étroitement à la responsabilité des ministres, qu’elle ne doit pas être atteinte par le devoir de recourir à une consultation, même sans obligation de s’y soumettre. L’avis du conseil d’état serait tardif dans certains cas, dans d’autres inutile, ou compromettant, ou dépourvu d’autorité. Une règle absolue ne peut être tracée. C’est aux ministres à reconnaître l’avantage qu’ils retireront presque toujours de la collaboration du conseil d’état, et aux cham-