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LE DOCTEUR HERBEAU.

tintemens de l’angelus se mêlaient seulement aux harmonies de la nature.

Le docteur Herbeau avait plongé ses regards dans la vallée que sillonnait le sentier de Riquemont. Il se tenait depuis une heure immobile et recueilli, bercé par les mélodies du soir qui lui arrivaient comme un écho lointain de son bonheur évanoui, quand il tressaillit soudain ; ses yeux éteints s’animèrent ; la pâleur de ses joues s’alluma ; un dernier éclair de jeunesse et d’amour illumina son front livide. Dans le sentier qui blanchissait à travers la verdure, il venait d’apercevoir une jeune amazone glissant le long des haies, sur un coursier rapide, les cheveux épais, en corsage blanc, comme un lis emporté par la brise.

Quand le soleil eut disparu derrière les collines, Jeannette, qui redoutait pour son maître la fraîcheur des soirées sereines, entra dans la chambre et s’approcha du docteur Herbeau. Il n’avait pas changé d’attitude : la tête appuyée sur le dos du fauteuil, les yeux tournés vers le château de Riquemont. Il ne répondit pas à la voix de sa servante. Jeannette lui prit une main ; cette main était glacée. La bonne fille s’agenouilla auprès du fauteuil et pleura : le docteur Herbeau était mort.


À quelques jours de là, Mme Riquemont et son mari se promenaient ensemble dans l’allée de leur garenne. Louise avait recouvré depuis long-temps tous les trésors de la santé. Sa démarche était souple et légère. La vie brillait dans son regard : son frais visage rayonnait du pur éclat de la belle jeunesse. Ses blonds cheveux ruisselaient le long de ses joues en flots de boucles luxuriantes. Jeune reine du printemps en fleurs, il y avait autour d’elle comme une atmosphère de bonheur, et l’on eût dit que le soleil la contemplait avec amour.

Le galop d’un cheval se fit entendre, et bientôt M. Savenay parut à la grille du parc. Il mit pied à terre et s’avança vers les deux promeneurs. Un voile de tristesse était étendu sur sa figure. Après avoir salué Mme Riquemont avec respect et serré cordialement la main du campagnard :

— Je vous apporte une fâcheuse nouvelle, dit-il d’un ton pénétré.

— Quoi donc, mon Dieu ! s’écria Louise.

— Qu’y a-t-il ? demanda le châtelain.

— Vous n’ignorez pas, répartit le jeune docteur, que M. Herbeau était souffrant depuis quelques mois ? Eh bien !…