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Torres Amat, des orateurs Galiano et Gareli, des savans critiques Clemencin, Hermosilla, Lista, des poètes et polygraphes Arriaza, Somoza, Burgos, Carvajal, Castro, Musso y Valiente, du poète dramatique Moratin, tous nés avant la révolution française, la plupart entre 1770 et 1780, et remarquables par une certaine modération heureuse de la pensée, par une fermeté mâle, par le bon goût et le bon sens plutôt que par l’éclat de la forme ou l’ardeur de la verve. Parmi ces noms graves et honorables, qui ne sont pas sans ressemblance avec la génération italienne des Muratori et des Tiraboschi, je n’en connais pas de plus digne d’estime et d’éloge que don Manuel Quintana, aujourd’hui grand d’Espagne et né à Madrid en 1772.

Les Vies des Espagnols célèbres, par Quintana, s’élèvent au-dessus de la plupart des biographies. L’émotion grave et héroïque avec laquelle le narrateur redit les faits, l’associe admirablement aux ames nobles des vieux temps. C’est une prose simple, active, naïve et forte, qui n’est pas sans analogie avec l’excellente prose anglaise de Robert Southey. Comme monument national, comme résumé des vieilles gloires et de l’ancien génie espagnols, nous ne pensons pas que l’Espagne nouvelle ait rien produit de comparable à ces trois volumes qui ne sont pas assez connus en Europe, et qui méritent d’être traduits. Immédiatement après lui nous placerons don Martin Fernandez de Navarrete, né le 9 novembre 1765, dans la province de Rioja, celui de tous les écrivains récens qui a le plus contribué à éclaircir l’histoire moderne des découvertes maritimes. Les biographies des Navigateurs espagnols, par Navarrete, remplies de documens curieux et d’une rare exactitude, ses notices et dissertations sur divers points de l’histoire des voyages, œuvres dénuées de chaleur et d’éloquence, mais qui n’ont pas la prétention des mérites qui leur manquent, resteront comme d’excellens et uniques matériaux. Déjà l’Américain Washington Irving en a fait usage avec talent et avec élégance, si ce n’est avec philosophie et profondeur. L’emploi et le choix de l’érudition, l’infatigable patience des recherches, la conscience et le soin qui président à ces fouilles historiques, leur assurent, non peut-être une place littéraire très éclatante, mais un rang historique fort distingué.

Don Alberto Lista jouit parmi ses concitoyens d’une considération au moins égale à celle des deux écrivains que j’ai nommés. Né en 1795, à Séville, d’artisans pauvres, il fit à la fois son apprentissage d’ouvrier chez son père, et ses études à l’université de sa ville natale. Nommé à vingt-un ans professeur de mathématiques au collège royal