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séjour à Saint-Léonard l’auront bientôt ramené à des opinions plus saines. Je me porte garant de son avenir, je réponds de lui devant Dieu et devant les hommes. Mon fils, votre père n’a jamais failli à sa parole : voudrez-vous le rendre parjure ! (Approbation dans l’assemblée. Célestin caresse sa barbe.) J’en ai la conviction, messieurs, mon fils se montrera digne de votre confiance et de vos suffrages. Un séjour de cinq ans à Montpellier l’a mis à même de faire, en médecine, des études sérieuses. Mes conseils ne lui manqueront pas ; il s’appuiera sur ma vieille expérience ; je dirigerai sa jeunesse et lui rappellerai chaque jour les devoirs de son ministère : heureux et fier de le voir continuer mon œuvre et ajouter quelques bienfaits à ceux que j’ai rendus peut-être ! (Attendrissement général.)

Après quelques instans d’agitation, le maire de Saint-Léonard se leva, et s’exprima en ces termes, au milieu d’un religieux silence :

— Notre digne ami, nos cœurs tout entiers vous suivront dans votre retraite. Vous avez été, pendant vingt-cinq ans, le dieu sauveur de notre ville et de nos campagnes. Votre probité, vos talens, votre esprit, votre caractère et votre amour du bien public, laisseront parmi nous des souvenirs qui ne s’effaceront jamais. Vos concitoyens vous expriment ici, par ma voix, leur reconnaissance. (Émotion universelle ; le bon docteur essuie ses yeux.) Que votre fils suive l’exemple de vos vertus et de vos mérites, que Célestin nous rende son père : à ce titre, il ne trouvera parmi nous qu’estime, appui et bienveillance. (Applaudissemens.)

Le maire s’étant assis, Célestin se leva à son tour et prit la parole. Lord Flamborough s’était endormi.


« Messieurs et chers concitoyens,

« Je ne chercherai pas à vous exprimer le bonheur que je ressens à me voir au milieu de vous. Pour comprendre ma joie, il faudrait être dans le secret de ce que j’ai souffert durant les cinq années d’exil que je viens d’endurer. La patrie n’est pas un vain mot ; lorsque j’ai aperçu de loin le clocher de Saint-Léonard, mon cœur s’est troublé, et mes yeux se sont mouillés de douces larmes. (Mouvement.) Je suis bien profondément touché de l’accueil flatteur que j’ai reçu de vous ; qu’il me soit permis de le dire, je crois l’avoir déjà mérité. (Marques d’étonnement.) Oui, répéta Célestin avec une noble assurance, je crois l’avoir déjà mérité par les études opiniâtres auxquelles je me suis livré durant de longues années, à cette unique fin de vous