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HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

voit, au traité du 15 juillet. Cet agent écrivait, le 3 juillet, de la rade de Beyrouth :

« Je me suis déterminé à ne pas prendre terre à Beyrouth, où je serais exposé à des insultes, et d’où l’on m’empêcherait peut-être plus tard de sortir. »

Les craintes que laisse voir ici M. Wood prouvent qu’il ne se considérait pas lui-même comme un observateur inoffensif, et qu’il avait autre chose à faire en Syrie que de se mettre à l’affût des évènemens. Le 22 juillet, l’envoyé de lord Ponsonby n’avait pas quitté la rade de Beyrouth, où il recevait, à bord d’un vaisseau de 84, les visites des insurgés. C’est de là qu’il adressait leurs pétitions à lord Ponsonby, et qu’il demandait pour eux l’assistance des troupes européennes ainsi que des armes et des munitions. (Dépêche de M. Wood, 22 juillet 1840[1].

Il y a deux périodes bien distinctes dans la mission de M. Wood. Pendant la première, celle qui précède le traité du 15 juillet et la proclamation de ce traité en Orient, M. Wood est un agent secret que l’on n’avoue pas encore, et qui ne se met en rapport avec les insurgés syriens que pour savoir jusqu’à quel point l’on peut compter sur eux, dans le cas où l’Angleterre viendrait à leur secours. Ses provocations à la révolte ne peuvent être que conditionnelles ; il va semer ce que Napier doit recueillir plus tard. Ce plan de conduite est nettement indiqué dans sa dépêche du 21 juillet à lord Ponsonby.

« Les Druses sont dans la situation la plus désespérée. Ils implorent chaque jour notre assistance, et promettent que, si nous leur en donnons les moyens, ils se lèveront jusqu’au dernier homme. Tout ce qu’ils demandent, ce sont des munitions et des armes… Il n’y a jamais eu peut-être un moment plus favorable pour séparer la Syrie de l’Égypte, et pour accomplir les vues politiques de lord Palmerston, par rapport à Méhémet-Ali, sans de grands sacrifices de notre part.

« J’explique aux Syriens les désirs et la politique de la Grande-Bretagne, et le succès qui doit nécessairement suivre, s’ils nous assistent en demeurant fermes et unis entre eux. Tout cela, ils le comprennent parfaitement, mais ils demandent toujours un appui indirect de notre part ; autrement, ils disent qu’ils finiront par être accablés.

« Je ne doute pas que, si l’on avait empêché l’expédition égyptienne de

  1. « J’ai donné d’amples instructions à M. Wood, par des lettres que l’amiral Stopford doit lui transmettre. » Et plus loin : « Je recommande à la bienveillance de votre seigneurie la bonne conduite de M. Wood. Il a couru personnellement de grands dangers. » (Lord Ponsonby, 5 août 1841.)