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HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

la Syrie dans le cas où cette contrée se trouverait gouvernée comme auparavant. Je suis convaincu que non-seulement la Syrie serait alors livrée à l’anarchie et au carnage, mais que le commerce européen serait entièrement détruit. »

Cependant les dépêches de lord Ponsonby à lord Palmerston se terminent presque toutes par un appel plus ou moins direct à l’insurrection. Au moment où il juge le succès du complot suffisamment préparé, l’ambassadeur anglais se dévoile et demande en termes exprès l’autorisation d’agir.

« Si Ibrahim avance, il sera facile de soulever tous les Syriens contre son gouvernement. Je puis répondre des habitans du Liban, de l’émir Béchir et de tous, pourvu que l’Angleterre veuille agir et les aider. Je pense que la seule apparition d’une escadre anglaise, quelque faible qu’elle soit, accompagnée d’une frégate ottomane portant le pavillon du sultan, suffira pour soulever le pays tout entier. Le sultan est disposé à envoyer la frégate et à donner tout l’appui qui sera en son pouvoir. » (Dépêche du 25 avril 1840.)

Est-ce clair ? la conspiration de l’Angleterre avec la Porte pour insurger la Syrie est-elle assez manifeste ? Quel aveu plus explicite peut-on désirer des tentatives que lord Ponsonby a faites pour détourner les montagnards du Liban de l’obéissance qu’ils devaient à Méhémet-Ali, aux termes de l’arrangement de Kutaya, arrangement que l’Angleterre elle-même avait garanti ? L’ambassadeur britannique répond de l’émir Béchir et de tous les autres scheiks ! Il s’était donc mis en rapport avec eux ; il y avait donc eu d’autres émissaires que ceux de la Porte envoyés dans le Liban pour exciter la révolte ! Lord Ponsonby avait donc abdiqué son caractère de médiateur et d’arbitre ! il avait prêché la paix au pacha d’Égypte, et la guerre aux montagnards de la Syrie ! L’on pourrait être tenté de croire que l’ambassadeur d’Angleterre, en tenant cette conduite à Constantinople, s’écartait des instructions de son gouvernement ; mais voici une pièce qui lèvera tous les doutes à cet égard. Pendant que lord Ponsonby demandait, de Constantinople, la permission d’aller en avant, lord Palmerston lui traçait, de Londres, un véritable plan d’action.

« Je donne pour instruction à votre excellence de faire vos efforts pour décider la Porte, en temps opportun, à concéder aux Druses des priviléges et des exemptions (d’impôt apparemment) qui puissent raisonnablement satisfaire leurs désirs. » (Dépêche du 21 avril 1840.)

Il est évident qu’en conseillant à la Porte d’accorder directement