Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 28.djvu/546

Cette page a été validée par deux contributeurs.
542
REVUE DES DEUX MONDES.

nobles efforts pour procurer la liberté à votre pays. Cet heureux moment est arrivé » ! (Lettre de M. Wood à l’émir Béchir. Il-Kasim, — 13 août 1840.)

La troisième tentative a précédé de quelques semaines la signature du traité du 15 juillet, et avait probablement été concertée entre lord Palmerston et lord Ponsonby, dans la pensée d’ouvrir ainsi aux puissances, qui tenaient encore, pour la forme, au statu quo, une espérance qui les déterminât à conclure cet arrangement.

Le gouvernement anglais a dissimulé avec beaucoup de soin la part qu’il avait prise dès l’origine à l’insurrection de Syrie. La Porte seule parut d’abord s’en mêler. « Des émissaires arrivent chaque jour d’Égypte et de Syrie, dit l’amiral Roussin dans une dépêche du 16 mai 1839, envoyés secrètement par le sultan ; ils lui rapportent que toutes les populations sont prêtes à s’insurger contre Méhémet-Ali au premier signal. » Cependant on remarque déjà une différence très marquée entre le langage que tient lord Ponsonby et celui des consuls anglais qui résident à Alexandrie, à Damas, à Alep et à Beyrouth. Ceux-ci, n’étant pas encore dans le secret des desseins de leur gouvernement, se bornent à donner loyalement leur avis sur la marche et sur les chances de l’insurrection. Ces renseignemens ne sont pas toujours favorables. Ainsi, M. Campbell écrit à lord Palmerston, le 6 juillet 1839 :

« Quant aux espérances que l’on entretient généralement à Constantinople d’un soulèvement de la population syrienne à l’apparition de l’armée turque, je ne les ai jamais partagées. Comme j’avais l’expérience de mes propres observations sur ce pays, je n’ai jamais été disposé à mettre une grande confiance dans les rapports que faisaient les agens anglais ou autres du mécontentement de la Syrie. Il est maintenant démontré que tous les efforts des émissaires du sultan n’ont produit que des mouvemens partiels et sans importance, et seulement dans la population musulmane ; car je puis dire en toute sûreté que, pour les chrétiens de toute communion et pour les juifs, ils craignent de rentrer sous la vieille domination du sultan. »

Le même agent, dans ses dépêches du 28 juillet et du 6 août, a prédit avec un grand sens l’état de choses auquel nous assistons depuis l’expulsion des Égyptiens.

« J’ai plus d’une fois pris la liberté d’exposer à votre seigneurie mon opinion relativement à la succession héréditaire de la Syrie dans la famille de Méhémet-Ali, combinaison qui, je le pense, serait très avantageuse à la Porte elle-même, et qui tendrait plutôt à la fortifier qu’à l’affaiblir. Le principal motif de mon opinion est la misère qui accablerait les chrétiens et les juifs de