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sur ce point. « Si la Syrie devait continuer à être gouvernée par Méhémet-Ali, on ne pourrait pas déterminer le sultan à concéder à Méhémet-Ali le gouvernement héréditaire de l’Égypte. » (Dépêche de lord Palmerston, 10 juin.)

Il est vrai de dire que le sultan Mahmoud avait fait de la restitution de la Syrie la condition de la paix ; mais, dans ces exigences si peu en rapport avec une situation presque désespérée, la Porte n’était que l’instrument de l’Angleterre. Depuis que l’expédition du colonel Chesney avait démontré la possibilité de rendre l’Euphrate navigable, de lier cette navigation avec celle de l’Oronte, et de mettre ainsi le golfe Persique en communication avec la Méditerranée, Malte avec Bombay, l’Angleterre ne pouvait pas consentir à laisser dans les mêmes mains la Syrie et l’Égypte, les deux routes du commerce européen vers les Indes. Enchaînée au statu quo par ses propres déclarations, elle ne désirait rien tant que de le voir rompre. Son intérêt particulier, intérêt de guerre, contrariait l’intérêt européen, intérêt de paix. De là les deux conduites qu’elle a tenues, les deux politiques très différentes qu’elle a menées de front dans les affaires d’Orient : l’une patente et officielle, celle de ses notes diplomatiques, l’autre secrète et souterraine, celle de ses agens, qu’elle se réservait d’avouer en temps opportun. Lord Palmerston personnifie en lui la première, et lord Ponsonby la seconde ; elles se rejoignent et se confondent ostensiblement après la mort du sultan Mahmoud.

Les menées très peu loyales de la diplomatie anglaise se révèlent principalement dans l’insurrection de Syrie. M. Thiers, dans son memorandum du 3 octobre, accuse ouvertement les agens de l’Angleterre de l’avoir fomentée. Lord Palmerston s’en est défendu, à plusieurs reprises, devant le parlement. « Quelles que soient les causes de la révolte, disait-il dans la séance du 6 août 1840, les Syriens n’ont été soulevés ni à l’instigation des autorités anglaises, ni par des officiers anglais. » On vient de lire la dénégation ; voici les faits, tels que les attestent les trois volumes de correspondance publiés par lord Palmerston.

On sait que lord Ponsonby se vantait à Constantinople d’avoir une politique à lui, et de ne transmettre à la Porte que pour la forme les recommandations pacifiques que lui adressait d’abord son gouvernement. Il formait, avec M. de Stürmer, internonce autrichien, un conciliabule d’où partaient les encouragemens donnés au parti de la guerre dans le divan. M. de Stürmer en fait naïvement l’aveu par une lettre à lord Ponsonby, du 7 janvier 1841.