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Le gouvernement britannique aurait peut-être le droit de se plaindre, si on le jugeait sur le témoignage des envoyés étrangers. Il faut aller au-devant de cette objection. Les documens que lord Palmerston a publiés attestent qu’en accusant Méhémet-Ali, le cabinet anglais ne tenait aucun compte des déclarations très précises de ses propres agens.

M. Campbell, consul-général en Égypte, écrivait d’Alexandrie à lord Palmerston, le 28 mai :

« La conduite perfide du sultan, qui a agi contrairement aux conseils que lui donnaient les ambassadeurs à Constantinople, aura non-seulement épuisé ses ressources, mais aura affaibli son influence morale en Turquie, tandis que la conduite prudente et modérée d’Ibrahim-Pacha, agissant d’après les ordres de son père, s’abstenant de tout acte d’hostilité, lorsqu’il pouvait détruire l’armée d’Hafiz-Pacha, élèvera dans la même proportion Méhémet-Ali, et augmentera son influence dans l’empire ottoman. »

Voici ce que l’on trouve dans une dépêche du même agent à lord Ponsonby, sous la date du 5 juin :

« Des lettres du quartier-général, écrites le 30 mai, font connaître qu’un parti de cavalerie turque a attaqué la cavalerie égyptienne campée devant Aïntab, et a excité les villages du district à la révolte. Onze villages, ayant reçu des armes et des munitions d’Hafiz-Pacha, se sont révoltés. »

Après avoir fait remarquer que le signal des hostilités a été donné par la Porte, et que l’attaque a eu lieu sur le territoire égyptien, le colonel Campbell ajoute, en réponse aux plaintes de l’amiral Roussin, qui avait fait écho, dans sa bonne foi, aux clameurs hypocrites de lord Ponsonby :

« L’amiral Roussin a écrit à M. Cochelet pour l’informer que la Porte se plaignait hautement de plusieurs actes d’agression commis par Méhémet-Ali, tels que, 1o  l’envoi à Orfa de cent cinquante soldats qui avaient pillé la ville ; 2o  l’entrée de Kourschid-Pacha à Bassora avec l’armée égyptienne. L’amiral Roussin enjoint à M. Cochelet de demander des explications précises sur ces deux points.

« Il paraît que la Porte mystifie l’amiral Roussin en bien des cas, et ce n’est qu’à cet ambassadeur qu’elle porte de pareilles plaintes. Tout cela est entièrement faux. Comment l’amiral Roussin peut-il supposer que cent cinquante hommes traversent l’Euphrate pour aller piller une ville qui a une forte garnison, et à quelque distance au-delà de Bir, où est aussi une garnison ? Il n’est pas plus vrai que les troupes de Kourschid soient entrées à Bassora. Toutes ces allégations de la Porte ne font que montrer le désir qu’elle a d’allumer la guerre, et de rejeter sur Méhémet-Ali le blâme de l’agression. »