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HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

document qui tranche la question et qui prouve que Méhémet-Ali a fait, pour déférer au vœu des puissances, tout ce que peut faire dans l’intérêt de la paix un général qui a l’ennemi en face et qui s’attend à être attaqué. C’est la déclaration de Méhémet-Ali au colonel Campbell, dans le moment où la Russie le sommait de rappeler ses troupes à Damas.

« Le vice-roi a déclaré à M. le colonel Campbell, agent et consul-général de sa majesté britannique, qu’il s’engage, dans le cas où les troupes du sultan, qui ont franchi l’Euphrate près de Bir, se retireraient de l’autre côté du fleuve, à faire faire un mouvement rétrograde à son armée, et à rappeler son fils Ibrahim à Damas ; que, dans le cas où cette démonstration pacifique serait à son tour suivie d’un mouvement rétrograde de l’armée d’Hafiz-Pacha au-delà de Malatia, son altesse rappellera le généralissime en Égypte. De plus, son altesse le vice-roi a ajouté, de son propre mouvement, que, si les quatre grandes puissances consentaient à lui garantir la paix et s’intéressaient à lui obtenir la succession de sa famille, il retirerait une partie de ses troupes de la Syrie, et serait prêt à s’entendre sur un arrangement définitif propre à garantir la sécurité et adapté aux besoins du pays. » (Dépêche du 19 mai.)

La même déclaration fut faite aux consuls d’Autriche et de Russie, qui la trouvèrent complètement satisfaisante. Les motifs de leur adhésion sont développés dans la dépêche suivante de M. de Laurin à l’internonce autrichien.

« J’ai énoncé à M. le comte de Medem l’opinion d’accepter cette déclaration, quoique conditionnelle :

« 1o Parce que j’ai considéré que la dépêche de la cour de Saint-Pétersbourg est basée sur un état de choses bien différent de celui dans lequel Méhémet-Ali se trouve actuellement vis-à-vis de la sublime Porte ; que, d’agresseur qu’il y est supposé, il est maintenant de fait lui-même menacé par les troupes du grand seigneur ;

« 2o Parce qu’il est raisonnable de supposer que ladite cour impériale, si elle eût connu la complication actuelle, aurait cru ne devoir pas obliger Méhémet-Ali à rappeler ses troupes, pour ne pas le priver de moyens de défense et pour ne pas encourager les Osmanlis à pénétrer dans la Syrie et à en troubler la paix ; et finalement,

« 3o Parce que la condition que Méhémet-Ali a stipulée de commencer par faire d’abord repasser les troupes du grand seigneur l’Euphrate est de peu de conséquence à l’égard du grand seigneur, qui peut-être n’avait pas même ordonné le passage de ce fleuve, tandis qu’elle est du plus haut intérêt pour la tranquillité et le repos de la Syrie, surtout après une excitation si forte et si dangereuse que celle qui a été produite par l’apparition desdites troupes en-deçà de l’Euphrate. » (Dépêche du 16 mai.)