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HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

péré, qu’il a donné ordre de déclarer la guerre à Méhémet-Ali. La réflexion cependant a fait retirer cet ordre ; mais on a pressé l’armement de la flotte ainsi que l’envoi des troupes et des munitions à l’armée.

« Le sultan a dit qu’il mourrait plutôt que de ne pas détruire son sujet rebelle. Le langage de tous ceux qui l’entourent est celui-ci : « Nous espérons le succès, car tous les Syriens sont ennemis du pacha. »

« Les grandes puissances ont établi pour règle (as the criterion of right or wrong) l’abstinence de toute agression, déclarant que le coupable serait le sultan ou le pacha, selon que l’un ou l’autre commencerait les hostilités. Le jugement a été rendu par la Russie, qui a pris sur elle de parler au nom de tous les cabinets, et le pacha a été déclaré l’agresseur. L’accusation portée contre lui par la Russie est limitée aux actes les plus récens du pacha. Mais, dès le principe aussi bien qu’à la dernière heure, le pacha a toujours été l’agresseur, et le sultan a le droit de sommer les grandes puissances de se montrer fidèles à leurs déclarations, etc. »

Il est impossible de ne pas faire remarquer les contradictions vraiment grossières dans lesquelles tombe l’auteur de cette dépêche. Lord Ponsonby commence par dire que tout respire la guerre à Constantinople, que le sultan veut détruire le pacha d’Égypte, et que Mahmoud périra plutôt que de renoncer à ses projets ; puis il affirme gravement que c’est le pacha d’Égypte qui a les torts de l’agression, et met son gouvernement en demeure de l’exécuter. L’opinion qu’exprime ici avec tant d’énergie l’ambassadeur britannique ne se fonde pas sur les rapports de ses agens, qui déposent tous au contraire, comme on le verra plus loin, des intentions pacifiques du sultan. C’est sur la parole de M. de Nesselrode que lord Ponsonby provoque une démonstration armée contre le pacha d’Égypte. Or, M. de Nesselrode, dans la dépêche qu’il adressait à M. de Medem le 29 mars 1839, ne s’expliquait pas absolument comme lord Ponsonby le fait parler :

« Les deux armées se trouvent aujourd’hui en présence. Les troupes de Méhémet-Ali ont été les premières à se rapprocher de la frontière ; celles du sultan n’ont fait que suivre le mouvement, pour ne point être prises au dépourvu et pour pouvoir repousser la force par la force, dans le cas où l’armée égyptienne se livrerait à des actes d’hostilité. Ce mouvement, sans être agressif, porte néanmoins le caractère d’une démonstration menaçante que rien ne saurait justifier. »

On peut juger maintenant du respect que lord Ponsonby a pour la

    de ne faire aucun mouvement avant d’être sûr de l’avancement des troupes du sultan, et de se confier en Dieu et d’agir en conséquence, si l’avancement de ces forces se constatait d’une manière positive.