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« Attendu la possibilité que le pacha d’Égypte, qui se considère comme indépendant, manque à l’accomplissement de quelqu’un de ses devoirs, auxquels il est obligé en sa qualité de sujet ; attendu qu’il est à présumer que, par suite du déchu pacha ou de quelque autre évènement, quelqu’un de ses fils, ou quelque membre de la famille du pacha, ou quelqu’un autre, se rende coupable de désobéissance à la résolution et à la volonté de sa hautesse, il a été jugé à propos de convenir des articles suivans :

« Art. 1er. — Le sultan étant le souverain (padishah) de l’Égypte, de la Syrie et dépendances, sa hautesse permet à la flotte anglaise d’arrêter les bâtimens de guerre et de commerce du pacha ; et comme il est probable que le pacha se servira de bâtimens marchands des puissances amies, qui resteront neutres, pour prendre ou envoyer des munitions de guerre et de bouche, la flotte du sultan visitera, d’après le droit clair et évident de sa hautesse, les bâtimens ci-dessus désignés, et, s’il le faut, elle en saisira les chargemens.

« Art. 2. — Les flottes ottomane et anglaise se réuniront pour agir de concert sur les côtes d’Égypte et de Syrie.

« Art. 3. — Le présent traité sera en vigueur l’espace de… années. »

Ce projet, tout informe qu’il est, contient en germe le traité du 15 juillet 1840. On y voit déjà percer la tendance de l’Angleterre à se séparer de la France et à faire agir ses forces maritimes contre le pacha. La nature des mesures coërcitives, le théâtre de l’action, le principe en vertu duquel on courra sus aux vaisseaux du pacha et même aux navires neutres, tout cela est déjà indiqué dans les termes que l’on devait adopter plus tard. Mais il y a autre chose à remarquer ici : c’est que les moyens que l’on a fait servir à battre en brèche la puissance égyptienne, l’Angleterre ne songeait alors à les employer que dans l’intérêt du statu quo. Et voilà pourquoi la Turquie refusa d’y donner les mains. Les raisons de ce refus sont positivement signalées dans deux dépêches de lord Ponsonby à lord Palmerston, sous la date du 6 et du 22 avril 1839.

« Le moustechar Nourri-Effendi a répondu à ma communication que « la sublime Porte ne pouvait pas être satisfaite du traité, parce que ce n’était pas le traité que Reschid-Pacha désirait conclure ; que la Porte voulait détruire le statu quo, et que le traité proposé par lord Palmerston, non-seulement le laissait dans toute sa force, mais condamnait encore la Porte à ne pas prendre avantage des occasions favorables qui pourraient s’offrir à l’avenir. »

« Le 21, Nourri-Effendi me dit qu’aucun traité ne servirait les intérêts de

    Reschid-Pacha, vers la fin de mars 1839. Nous l’avons extraite du premier volume des documens parlementaires sur les affaires d’Orient.