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HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

d’insister. Lorsque M. Guizot revendiquait pour la France le mérite de la fidélité à ses convictions, lord Palmerston était certes mis en demeure de renouveler les imputations articulées dans son memorandum du 31 août. Qui l’empêchait de soutenir, comme lord John Russell l’a fait trois mois plus tard, que la bonne foi et la constance des opinions se trouvaient du côté des signataires du traité ? Si lord Palmerston a déserté son dire, c’est que l’on ne garde pas à volonté, dans le huis-clos des entretiens diplomatiques, ce vêtement de convention dont on aime à se draper devant le public. Lord Palmerston avait cherché à tromper M. Thiers ; il ne prend pas tant de peine avec M. Guizot. L’Angleterre convient de bonne grace, le danger passé, qu’elle a voulu révolutionner l’Orient, et prétend fièrement que le succès l’absout. Nous avons son aveu. Cherchons maintenant, à travers les pièces historiques, le moment précis et les causes réelles du changement.

« Le gouvernement de sa majesté, dit lord Palmerston dans son memorandum, a invariablement prétendu que toutes les puissances qui désireraient conserver l’intégrité de l’empire ottoman et maintenir l’indépendance du trône du sultan, devaient s’unir pour aider ce dernier à rétablir son autorité directe en Syrie. » Le gouvernement anglais se défend vainement ici, le 31 août, de ce qu’il devait avouer le 27 octobre ; il y a eu un moment, dans l’histoire des querelles qui agitent l’Orient depuis huit ans, où il a pensé, où il a paru penser comme la France et comme tout le monde. Après la bataille de Koniah, lorsqu’Ibrahim victorieux marchait sur Constantinople, et avant qu’un corps d’armée russe eût débarqué à Scutari, la Porte, saisie d’effroi, s’adressa aux envoyés de la France et de l’Angleterre, les pressant d’intervenir entre le sultan et le pacha révolté. La part que l’Angleterre a prise à cette négociation n’est pas assez connue ; on en jugera en lisant la dépêche que le chargé d’affaires britannique à Constantinople, M. Mandeville, écrivait à lord Palmerston le 31 mars 1833.

« Le reiss-effendi me dit[1] : « Je pense, quoique je ne sois pas autorisé à vous le déclarer, que la sublime Porte ferait un grand sacrifice dans l’intérêt de la paix et de la tranquillité, et qu’elle donnerait à Méhémet-Ali une partie considérable du territoire qu’il demande. Par exemple, si nous ajoutions, aux concessions que nous avons déjà faites, les gouvernemens d’Alep et de Damas, mais non Adana et Itcheli, ni les ports (Selefkev et Alaya),

  1. La date de l’entretien est celle du 27 mars 1833.