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de la France, les intrigues de la France, les desseins hostiles de la France, reviennent à chaque page de cet écrit semi-officiel, acte d’accusation dressé, pour plus d’inconvenance, par l’agent qui représente encore auprès de nous le gouvernement anglais.

On pourrait croire qu’à force de dévouement M. Bulwer a passé la mesure, et que le cabinet britannique ne ratifie pas tous les écarts de ce zèle fougueux. À ceux qui se feraient encore illusion sur ce point, nous recommandons la lecture du discours que lord John Russell a prononcé dans la discussion de l’adresse, le 26 janvier 1841. C’est le dernier mot de ce système de dénonciation pratiqué par le ministère whig à l’égard de la France. Il faut voir avec quelle naïveté l’orgueil anglais s’y donne carrière, et avec quelle insolente bonne foi il s’indigne de ce que l’on a osé lui résister. Voilà, voilà le véritable crime de la France ! « La Russie, dit quelque part M. Bulwer, nous avait fait le sacrifice d’un intérêt particulier ; nous attendions la même concession du cabinet des Tuileries. » Lord John Russell ne s’explique pas avec moins de clarté sur les prétentions de l’Angleterre : « Nous avions le droit d’espérer que, dans le cours des négociations, quelle que pût être la pensée de la France sur la partie de la Syrie qu’il convenait de laisser à Méhémet-Ali, ces vues auraient cédé à l’opinion générale des puissances, quelle que fût cette opinion. » Or, on sait que l’opinion des puissances n’était autre que celle de l’Angleterre, qui avait reçu carte blanche de l’Autriche, de la Prusse et de la Russie.

Ceci posé, et après nous avoir déclarés rebelles à la volonté de l’Europe, lord John Russell articule contre la France les griefs suivans

« 1o Ce n’est pas l’Europe qui s’est séparée de la France ; c’est la France qui a rompu violemment avec l’Europe.

« 2o Cette séparation n’autorisait pas le gouvernement français à crier à l’insulte et à l’outrage, ni à menacer la paix de l’Europe par de formidables armemens. En mettant ainsi en péril la bonne intelligence de l’Angleterre et de la France, ce gouvernement s’est montré bien imprudent (reckless).

« 3o Le ministère français, en refusant de s’associer à l’arrangement proposé par les puissances sans autre motif que la répugnance de Méhémet-Ali à y accéder, a abaissé, par cette politique, les intérêts et la dignité de son pays.

« 4o Le ministère français, en considérant toujours ce qui serait agréable à Alexandrie plutôt que ce qui devait être honorable et sûr