Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 28.djvu/520

Cette page a été validée par deux contributeurs.
516
REVUE DES DEUX MONDES.

pensée d’attenter à leur repos. À la conspiration manifeste qui s’était tramée entre les signataires du traité de Londres pour exclure de l’Orient l’influence française, s’ajoutait un autre complot non moins réel et non moins vaste : une campagne entreprise pour nous déposséder de l’ascendant moral que la France a toujours exercé sur les esprits.

La même main qui avait tracé les préliminaires du traité se retrouve dans ces manœuvres ténébreuses dirigées contre notre honneur. Le signal de l’attaque est donné par le premier memorandum de lord Palmerston (17 juillet 1840), document confidentiel que les alliés, par une indiscrétion calculée, ont livré presque aussitôt à la publicité. Cette pièce a une véritable importance ; elle démasque déjà les batteries de la coalition. Le plan consiste d’une part à rejeter sur la France la responsabilité du changement qui se fait dans les alliances européennes, et, de l’autre, à la lier pour l’avenir par ses propres déclarations. Les signataires du traité savent bien que l’Europe ne verra pas sans inquiétude un accouplement aussi monstrueux que celui de l’Angleterre et de la Russie, et ils s’arrangent pour lui persuader que c’est la faute de la France. « Bien que les quatre cours, dit le memorandum, aient proposé tout dernièrement à la France de s’associer avec elle pour faire exécuter un arrangement entre le sultan et Méhémet-Ali, fondé sur des idées qui avaient été émises vers la fin de l’année dernière par l’ambassadeur de France à Londres, cependant le gouvernement français n’a pas cru pouvoir prendre part à cet arrangement. » L’Europe aurait pu craindre encore que l’isolement de la France ne mît la paix en péril. Au lieu de donner elles-mêmes des garanties contre ce danger, les puissances, par un procédé sans exemple, nous font parler comme elles l’entendent, et prennent des engagemens en notre nom. « La France, dit encore le memorandum, ne s’opposera dans aucun cas aux mesures que les quatre cours, de concert avec le sultan, pourront juger nécessaires pour obtenir l’assentiment du pacha d’Égypte. »

Ce système d’insinuations devient plus direct et plus agressif dans le second memorandum de lord Palmerston (31 août 1840). On ne se borne plus à nous imputer tantôt un fol entêtement et tantôt une légèreté sans excuse ; on nous accuse d’avoir voulu tromper les puissances. « Le gouvernement de sa majesté a de bonnes raisons de croire que, depuis quelques mois, le représentant français à Constantinople a isolé la France d’une manière tranchée des quatre autres puissances, en ce qui concerne les questions auxquelles cette note