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LE PARATONNERRE.

comme une avalanche. Ma lassitude avait disparu ; en songeant aux crevasses auxquelles j’échappais, je me sentais des ailes. À l’auberge où nous avions couché, je trouvai fort à propos un cheval de retour pour Interlaken ; je l’enfourchai sans perdre une minute, et, grace à la manière impitoyable dont je le talonnai, j’arrivai au bord du lac de Thun en moitié moins de temps qu’on n’en met d’ordinaire pour faire ce trajet. Un bateau allait partir ; je m’y jetai. Quelques heures plus tard je louais à Thun un second cheval, et, au coucher du soleil j’étais de retour au château de M. Richomme, où, selon toute apparence, on ne m’attendait guère. J’évitai l’entrée principale, et, après avoir décrit un assez long circuit autour du parc, je trouvai une brèche par où je réussis à m’y introduire. Cette invasion clandestine avait un but que je dois avouer, au risque de donner une idée peu avantageuse de la longanimité de mon caractère. Quoique la conduite de Mme Baretty fût entourée d’un mystère que je n’avais pas encore su découvrir, j’en étais outré, et je rêvais une éclatante vengeance. Je calculai que, le dîner fini, on se promènerait sans doute dans le jardin, et que là, au détour de quelque allée, je parviendrais peut-être à la trouver seule. Ce n’était plus l’amour, mais l’indignation qui me faisait désirer cette rencontre. Je me promettais d’être magnifique de froideur, foudroyant d’ironie, plus acéré, en un mot, que l’épingle dont elle avait traîtreusement percé mon infortuné billet.

Du taillis où je m’étais caché, et duquel on entrevoyait une des façades du château, je ne tardai pas à distinguer plusieurs personnes inconnues, arrivées sans doute après mon départ. Au milieu de ce groupe se trouvait le maître du logis, mais je ne vis ni sa femme, ni mon ami Maléchard, ni Mme Baretty. J’allais transporter ailleurs mon embuscade, lorsque tout à coup, à travers une clairière, je reconnus Mme Richomme : elle marchait fort vite, d’un air affairé et mécontent. Je ne sais quelle voix secrète me dit qu’elle cherchait sa sœur. Instinctivement je pris une direction opposée à celle qu’elle paraissait suivre, et, après avoir coupé à angle droit plusieurs sentiers que j’explorai en tout sens, j’arrivai au bord d’une des allées les plus retirées. Au moment de la traverser, je me retins avec un brusque tressaillement, comme fait un épagneul lorsqu’il tombe en arrêt.

À trente pas, tout au plus, je venais d’apercevoir Mme Baretty et Maléchard. Les mains entrelacées sur le bras où elle semblait se suspendre plutôt que s’appuyer, la tête tournée à demi et un peu levée, les lèvres entrouvertes par un languissant sourire, elle l’écou-