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DES PARTIS EN FRANCE.

votre pouvoir. Croyez-vous qu’en disant chaque jour à une portion de la chambre et du pays qu’elle est incapable, absolument incapable d’arriver jamais au pouvoir, vous la disposiez à répondre favorablement à votre appel ? Pensez-vous qu’en déclarant qu’un ministère aujourd’hui tombé était indigne d’inspirer la plus légère confiance, par cela seul que la gauche lui donnait son appui, vous fassiez de grands pas vers la conciliation ? Tel est pourtant votre langage journalier, tels sont les sentimens dont vous faites parade. Je n’appartiens pas, quant à moi, à la gauche, et je n’ai pas le droit de parler pour elle. Je sais pourtant qu’elle a, comme le parti conservateur, sa dignité à maintenir, ses opinions à défendre. Respectez cette dignité, transigez avec ces opinions, si vous voulez qu’elle puisse consciencieusement, honorablement joindre sa force à la vôtre.

Si pourtant la transaction devait avoir pour conditions ou pour conséquences au dehors la guerre révolutionnaire, au dedans la destruction de toutes les garanties légales d’ordre et de stabilité, le parti conservateur ferait bien de la trouver trop chère à ce prix, et j’approuverais, quant à moi, ses refus. Mais en est-il ainsi ? À l’extérieur, à peu de chose près, la politique que le parti conservateur a lui-même soutenue et vantée quand le pouvoir était entre les mains de M. Casimir Périer, de M. de Broglie, de M. Thiers, à l’intérieur, quelques réformes proposées ou acceptées à diverses époques, sinon par le parti tout entier, du moins par plusieurs de ses membres : voilà à quel prix il serait possible, facile de mettre fin à de vieilles querelles, et de constituer enfin dans la chambre une vraie majorité. Sans doute de telles conditions ne satisferont pas tout le monde, soit dans le parti conservateur, soit dans le parti opposé. Ici on les trouvera insuffisantes, là démesurées, et dans les deux camps il y aura des murmures et des séparations. Une majorité de transaction ne peut se constituer sans laisser sur ses deux ailes deux minorités extrêmes, également mécontentes, bien que par des motifs opposés. Là précisément doit être la force de la majorité nouvelle et sa raison d’exister. Entre les exagérations monarchiques et démocratiques, un parti existe certainement plus nombreux à lui seul que les deux autres réunis, et qui, s’il le voulait bien, serait le maître. C’est ce parti dont il s’agit de rassembler, de rapprocher, d’organiser les élémens dispersés.

J’ai tâché de prouver dans cet article, d’abord que les vieux partis sont bien morts, et que, parvinssent-ils à ressusciter, aucun d’eux ne serait, par ses propres forces et sous son ancien drapeau, en état