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raison de les approuver. C’en est une de les traiter avec plus de ménagement.

Ainsi, point d’illusion, point d’hypocrisie. L’appui du parti libéral et populaire contre le désordre sera tout autre quand il aura le pouvoir pour allié, ou quand il l’aura pour ennemi. Or, je le répète, cet appui, dans de certaines circonstances, a d’immenses avantages. Quand le désordre est à son comble, et qu’il ne s’agit plus que de frapper et de punir, le parti libéral et populaire, je l’ai reconnu, a des habitudes, peut-être des préjugés, qui tendent trop à désarmer le pouvoir. Quand le désordre ne fait que de naître, et qu’il s’agit de le prévenir plutôt que de le réprimer, son assistance est incomparable. C’est cette assistance sur laquelle pourraient naturellement compter une majorité et un ministère de transaction. Elle n’a pas manqué au 1er mars, et le 1er mars sait quel profit il en a tiré. Elle manque au 29 octobre, et le 29 octobre sait combien elle lui serait utile.

Sur ce point, au reste, les hommes les plus éclairés, les plus intelligens du parti conservateur ne se laissent point abuser. Pendant l’intervalle de nos sessions ; des troubles graves ont éclaté en France, et des symptômes plus graves encore ont apparu au milieu de ces troubles. La violence poussée jusqu’à la dévastation, jusqu’au pillage, la théorie barbare de l’abolition de la propriété professée et pratiquée au milieu du désordre, la guerre déclarée par ceux qui ne possèdent rien à ceux qui possèdent quelque chose, voilà ce qu’on a vu et ce qui a justement effrayé le pays tout entier. Or, contre cette nouvelle jacquerie, les conservateurs les plus ardens ont senti que ce n’était pas trop de toutes les forces sociales, et ils ont adressé à l’opposition constitutionnelle un chaleureux appel. « L’opposition constitutionnelle, ont-ils dit avec raison, n’a rien de commun avec l’opposition sauvage et désordonnée dont les doctrines et les actes révoltent tous les honnêtes gens. Bien plus, si cette opposition triomphait jamais, l’opposition constitutionnelle serait la première victime. Qu’elle oublie donc des dissidences secondaires, et qu’elle vienne au secours de l’ordre social menacé. »

Cet appel à l’union est juste et sensé ; mais, pour qu’il fût écouté, il serait bon que le parti conservateur prêchât d’exemple. Vous appelez l’union de toutes les opinions constitutionnelles, et dans le même moment il n’est pas d’injures, pas de sarcasmes, que vous ne jetiez à une de ces opinions. Vous demandez qu’on oublie de misérables dissidences ; et ces dissidences vous les relevez, vous les reconstruisez, vous en faites la base même de votre politique et le marche-pied de