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tique et l’administration ne se touchent presque par aucun côté ; et que le jour où un parti succède à l’autre, il n’a pour être maître du pouvoir, qu’une cinquantaine de hauts fonctionnaires à changer, voilà l’Angleterre. Une société démocratique, telle que la société française, a nécessairement de tout autres conditions.

En France, le problème a donc deux données invariables, l’une que les fonctions publiques sont une carrière ouverte à tous, et qu’on ne peut quitter et reprendre cinq ou six fois dans sa vie ; l’autre qu’à défaut d’une classe élevée pour la vie publique, il ne peut manquer d’entrer dans la chambre élective beaucoup de fonctionnaires publics. C’est en partant de ces données impossibles à modifier qu’il faut concilier l’indépendance de la chambre et la libre action du pouvoir ministériel. Ce n’est pas tout, et l’état de choses actuel a encore un autre vice, un vice très grave, et dont l’attention publique est vivement préoccupée. On se plaint que pour beaucoup de fonctionnaires, surtout d’un ordre secondaire, la députation soit une sorte de marchepied, à l’aide duquel ils s’élèvent aux degrés supérieurs. On se plaint qu’entre les ministres et quelques députés il s’établisse ainsi un échange de services et de complaisances aussi fâcheux pour le parlement que pour l’administration. Que de telles plaintes soient quelquefois injustes ou exagérées, je le veux bien. Oserait-on dire qu’elles sont tout-à-fait sans fondement ?

Maintenant n’est-il pas évident qu’il y a dans la chambre comme dans le pays une majorité frappée de ces inconvéniens divers, et convaincue que la question des fonctionnaires députés appelle un examen approfondi et une prompte solution ? J’en ai pour preuve deux prises en considération successives, l’une sous le 12 mai, l’autre sous le 1er mars, et les rapports de deux commissions favorables au principe de la réforme. Dans la dernière session, il est vrai, une troisième proposition incomplète et tardive n’a pas obtenu la même faveur ; mais tout le monde sait que cela a tenu à des circonstances particulières et à l’influence ministérielle. Malgré cet échec, je maintiens que dans les rangs même du parti conservateur cinquante membres au moins croient, au fond de l’ame, avec M. le ministre actuel des travaux publics, « qu’il y a quelque chose à faire. » Qu’ils se réunissent à ceux qui ne se contentent pas de le croire, et la question sera résolue.

Je ne prétends point discuter et apprécier à leur valeur les divers systèmes qui ont été proposés. Il n’est aucun de ces systèmes, on l’a dit avec raison, qui soit parfaitement satisfaisant, et qui pro-