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blesse. Voilà l’opinion fatale, l’opinion désastreuse qu’il faut détruire à tout prix. Voilà l’opinion qu’on ne détruira pourtant que par un vote notable et significatif. S’il est une vérité incontestable dans le monde, c’est que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Pour changer les effets, changez donc les causes, ou préparez-vous d’avance à de nouveaux désastres, à de nouvelles humiliations.

On peut trouver que je m’explique peu clairement. Je crois cependant en avoir assez dit pour faire comprendre ma pensée. Encore une fois, il ne saurait être question de replacer la France dans la situation où elle était en 1840, et de défaire tout ce qui a été fait. Mais depuis la dernière session des actes se sont accomplis qui, bien qu’irrévocables peut-être, restent du moins justiciables de la chambre et du pays ; mais d’autres actes s’accomplissent ou se préparent dans le même esprit, sous l’empire des mêmes craintes et avec les mêmes conséquences en perspective ; mais enfin, d’un jour à l’autre, de nouveaux évènemens peuvent surgir et donner lieu à nouvelles complications. Il s’agit de savoir si la majorité, en approuvant les actes accomplis, veut encourager et sanctionner l’accomplissement d’actes pareils. Il s’agit de savoir si elle entend que les questions nouvelles seront résolues comme l’ont été les précédentes, et que la France continue à jouer dans le monde le rôle qu’elle joue depuis quelques années. La majorité, j’en suis profondément convaincu, n’est pas de cet avis. Qu’elle secoue donc les déplorables préventions qui la troublent ; qu’elle se dégage des liens qui la retiennent, et qu’en se montrant elle rende à l’Europe une inquiétude salutaire, à la France une juste confiance. Ce ne sera point peut-être tout ce qu’elle avait promis ; ce sera quelque chose, et le pays, relevé dans sa propre opinion, lui en devra tenir compte.

À mon sens, auprès de la question extérieure, les autres questions qui nous divisent n’ont qu’une importance secondaire. Je reconnais pourtant que dans aucun pays la question extérieure seule n’a pu suffire à un classement durable des partis. La raison en est simple. La question extérieure, jusqu’au jour où un évènement grave vient la mettre à la portée de tous, est d’ordinaire enveloppée de voiles et chemine dans l’ombre. À toutes les attaques de l’opposition, le ministère est presque toujours maître d’opposer la réponse si simple et si facile de négociations entamées et de secret de l’état. La question extérieure, rarement débattue, ne donne donc point, ne peut point donner aux partis l’aliment quotidien qui les nourrit et les soutient. Voyons quels sont dans la politique intérieure les points sur