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indispensables : la première, qu’elle ait pour lien des questions politiques sérieuses, non des intérêts ou des ressentimens ; la seconde, qu’elle n’hésite pas à déclarer hautement, sincèrement, quelles sont les questions sur lesquelles elle s’est mise d’accord, et quelles sont celles qui restent ajournées ou réservées. Si de ces deux conditions une seule manque, la transaction n’est plus, ne saurait plus être qu’une intrigue ou un trafic.

Je viens maintenant à la transaction elle-même, et je cherche quels en peuvent être les élémens.

Pour peu qu’on ait l’intelligence du gouvernement représentatif, on comprend qu’il est quelquefois nécessaire de céder une partie de son opinion pour obtenir l’autre, et, comme on dit, de sacrifier l’accessoire au principal. Si, pour mettre fin à l’anarchie qui nous tue, il fallait faire certains sacrifices, je n’hésiterais donc pas, pour ma part, et d’autres, je l’espère, n’hésiteraient pas davantage. Mais est-il même besoin d’un tel effort ? Il y a dans les partis de vieille formation deux choses fort distinctes, ce qu’ils disent et ce qu’ils pensent, ce qu’ils demandent et ce qu’ils désirent. Ne nous inquiétons donc pas de l’apparence, et allons au fond des cœurs. Qu’y voyons-nous ? Beaucoup de ressentimens et de préjugés nés des anciennes luttes, mais, à côté, des opinions bien plus rapprochées, des intentions bien plus semblables qu’elles ne le paraissent d’abord ; des défiances fâcheuses, mais en même temps un désir de conciliation qui s’accroît chaque jour à la vue des évènemens du dehors et du dedans ; des divergences nombreuses enfin, mais, au milieu de ces divergences, certaines idées qui, dans la chambre comme dans le pays, réunissent une majorité réelle, une majorité que les combinaisons et les intriques de parti empêchent seules de se produire. Ce sont, pour constituer cette majorité, ces idées qu’il s’agit de dégager et d’éclairer.

En première ligne se présente la question étrangère, la plus difficile, la plus délicate, mais aussi la plus importante de toutes. Voyons pourtant si, sur cette question même, il n’est pas possible de trouver dans la chambre une majorité imposante. Le lendemain de la révolution de juillet, une portion considérable de la gauche crut le moment favorable pour déchirer les traités de 1815 et pour modifier profondément, au profit de la France, la carte de l’Europe. Aux yeux même de ceux qui pensaient ainsi en 1830, ce moment est passé. Tout le monde donc préfère la paix à la guerre ; tout le monde fait des vœux sincères pour que la paix puisse durer. Mais les uns subordonnent à cette unique pensée toute leur conduite, toutes leurs