Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 28.djvu/484

Cette page a été validée par deux contributeurs.
480
REVUE DES DEUX MONDES.

la chambre d’abord, devant le pays ensuite, l’entreprise, malgré sa hardiesse et ses difficultés, réussit admirablement, et il ne restait qu’à en recueillir les fruits. Mais, dans chaque situation, il n’y a réellement qu’une solution logique, complète, féconde. Continuer ensemble dans le pouvoir l’œuvre commencée ensemble dans l’opposition, telle était cette solution après la victoire électorale de la coalition. Malheureusement elle fut manquée.

Je n’entends ici accuser personne, mais il est bon de constater que, si la coalition a échoué, ce n’est ni parce que le pays l’a condamnée, ni parce que l’expérience a prouvé qu’elle s’était trompée ; c’est uniquement parce que le lendemain de la victoire ses généraux se querellèrent entre eux, et qu’à la suite de ces querelles quelques-uns crurent devoir passer dans le camp opposé. L’idée de transaction, bien qu’affaiblie, bien que mutilée, survécut pourtant à ce déplorable incident, et le 12 mai, héritier bénéficiaire de la coalition, la recueillit et essaya de la faire fructifier. Une portion du 12 mai le nierait volontiers aujourd’hui ; pour s’en convaincre cependant, il suffit de se rappeler d’une part les paroles et les actes des ministres qui composaient ce cabinet, de l’autre l’attitude des diverses fractions de la chambre à leur égard. C’est bien en dehors des opinions extrêmes, au sein des opinions intermédiaires que le 12 mai chercha et trouva son appui. C’est bien aussi du côté où ne siége pas d’ordinaire l’opposition qu’il rencontra la malveillance la plus active. Un seul mot suffit pour le prouver. Le jour où la chambre eut à se prononcer sur la dotation de M. le duc de Nemours, la gauche renversa le ministère, sans le vouloir, pour rester fidèle à ses opinions ; cinquante membres de la droite votèrent contre leur opinion pour renverser le ministère.

Ce que le 12 mai avait fait avec hésitation et timidité, le 1er mars le fit hardiment et hautement, et, dès le début, malgré des efforts inouis, une majorité de cent voix répondit à son appel. La transaction devint donc sans réserve ni détour le symbole politique du nouveau cabinet. Est-il vrai, comme quelques personnes ont intérêt à le dire, que l’épreuve soit décisive, et qu’elle ait condamné irrévocablement le symbole du 1er mars ? Je crois précisément le contraire. Avant le 1er mars, je doutais encore qu’une transaction fût possible. Je n’en doute plus aujourd’hui. Ce n’est certes point une tâche facile que de faire marcher d’accord des opinions long-temps divisées, récemment rapprochées, et qui se regardent encore d’un œil de défiance et d’envie. Tout naturellement chacune de ces opinions évalue