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de reconstituer la majorité nouvelle sous le vieux drapeau, contribua plus que personne à imposer au cabinet le désaveu implicite du programme de la commission ? Et l’on se flatterait après cela d’enchaîner long-temps M. de Lamartine à une politique immobile au dedans, inactive au dehors ! C’est une étrange illusion, une illusion que M. de Lamartine lui-même se chargera bientôt d’enlever à ses alliés actuels, quand la préoccupation du 1er mars pèsera moins sur son esprit.

Par ses opinions pas plus que par ses antécédens, le parti conservateur n’arrive donc à cette unité qu’il poursuit et qui le fuit. Y arrive-t-il par ses chefs ? Bien moins encore. Quels sont aujourd’hui, à l’heure où j’écris, les chefs réels, les chefs avoués du parti conservateur ? M. Molé et ses collègues du 15 avril ? Oui, si l’on regarde au fond des cœurs ; non, si l’on en juge par la conduite et par les votes, à l’exception peut-être d’une cinquantaine d’amis toujours prêts à donner à M. Molé, comme ils l’ont fait lors de la dotation, un témoignage secret de leurs regrets et de leur attachement. M. Guizot, M. Villemain, M. Duchâtel ? Le parti conservateur, qui a besoin de leur secours, les soutient et les suit ; mais il se souvient profondément, amèrement qu’ils ont fait partie de la coalition, et toute confiance en eux est éteinte. M. Dupin ? Le parti conservateur apprécie son talent, et en profite à l’occasion ; mais il compte peu sur lui et ne lui porte qu’une médiocre affection. M. de Lamartine enfin ? Le parti conservateur l’aime et l’admire ; mais il sait qu’il est séparé de lui par un abîme. Voilà donc des hommes politiques plus ou moins éminens, dont quelques-uns sont ennemis jurés entre eux, et qui tous ont, au milieu du parti conservateur, certaines intelligences et certains appuis. Aucun, en revanche, n’y trouve cette confiance énergique et ferme qui fait à la fois la force de ceux qui l’accordent et de ceux qui l’obtiennent.

Ainsi des trois élémens qui constituent l’unité d’un parti, le parti conservateur actuel n’en possède pas un seul. Ses antécédens sont différens, ses opinions contradictoires, ses chefs incertains et divisés. Si l’homogénéité est quelque part dans la chambre, c’est ailleurs qu’il faut la chercher.

Le parti doctrinaire a été long-temps, tout le monde lui rend cette justice, le plus compact et le mieux discipliné de la chambre. Liés entre eux par des idées communes sur le principe et sur le but de la révolution, pleins de confiance dans les hommes supérieurs qu’ils avaient le bonheur d’avoir à leur tête, et pénétrés pour eux d’une respectueuse affection, les membres de ce parti tenaient à honneur