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DES PARTIS EN FRANCE.

Je pourrais, à l’aide de noms propres, rendre plus frappante et plus palpable encore cette situation du parti conservateur. Je n’en veux citer qu’un. Si l’on demande quel est l’homme politique, quel est l’orateur qui, dans la lutte de la coalition et depuis, s’est placé à la tête du nouveau parti conservateur, tout le monde nomme M. de Lamartine. Or, qui ignore qu’entre les opinions de M. de Lamartine, et celles de la fraction la plus nombreuse du parti conservateur, il n’existe que des rapports en quelque sorte accidentels et négatifs. Le parti conservateur et M. de Lamartine ont combattu ensemble la coalition d’abord, puis le 1er  mars, les uns avant, les autres après sa chute. Où est d’ailleurs le point de contact ? Quant à la politique extérieure, M. de Lamartine n’a pas cessé de dire que, depuis dix ans, même sous le 13 mars, même sous le 11 octobre, la France est loin d’avoir joué le rôle qu’elle aurait dû jouer dans le monde, et pris la place qui lui appartient. La majorité du parti conservateur est-elle de cet avis ? Quant à la politique intérieure, M. de Lamartine croit que, si le 11 octobre a péri, c’est pour avoir voulu prolonger outre mesure le système de résistance ; il déclare que la révolution française est une révolution sociale dont le dernier mot est démocratie ; il condamne comme radicalement faux le système semi-aristocratique, semi-bourgeois qu’à tort ou à raison il impute à M. Guizot ; il dit que la gauche est le parti de l’avenir, et que, loin de s’alarmer si elle arrivait au pouvoir, on devrait se réjouir de la voir apporter à son tour dans la politique du mouvement et des idées ; il proteste enfin, en ce qui le concerne, contre le nom de conservateur, parce que ce nom, selon lui, « exclut les améliorations du présent et l’intelligence de l’avenir[1]. » Est-ce ainsi que le parti conservateur comprend et juge le système de résistance, la révolution française, l’avènement possible de la gauche, et sa propre mission ? Et qu’on ne vienne pas prétendre que ces idées jetées dans un journal par M. de Lamartine vers la fin de 1839, ne sont plus celles qu’il professe aujourd’hui. Tout, au contraire, annonce, tout prouve qu’il y tient plus que jamais. N’est-ce pas M. de Lamartine qui, dans la discussion de la dernière adresse, déplora si amèrement, si éloquemment, la situation que l’exécution du traité du 15 juillet faisait à la France, et qui conseilla au cabinet de n’accepter jamais ce traité sans de notables concessions ? N’est-ce pas lui qui, lorsque la commission des fonds secrets essaya

  1. Voir trois lettres de M. de Lamartine, insérées dans la Presse en novembre 1839.