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DES PARTIS EN FRANCE.

qu’il est dans l’avenir. Il y a eu certainement de bonnes choses dans le passé, et il y en aura, j’espère, de meilleures dans l’avenir ; mais le présent surtout importe à la politique, et c’est à l’aide des élémens aujourd’hui existans qu’elle doit former ses combinaisons et achever sa tâche. Je prends donc, quant à moi, le monde tel qu’il est, et je cherche, dans l’intérêt bien entendu du pays, ce qu’il y a de mieux à en faire. Sur ce terrain, ce me semble, il y a place pour tout le monde, même pour ceux qui se nourrissent de regrets ou qui se bercent d’espérances.

Pour bien comprendre l’état des partis en 1841, il faut d’abord se rendre compte de ce qu’ils étaient en 1830, et des phases diverses qu’ils ont traversées depuis. Malheureusement, quand on a pris part soi-même à la lutte, il est difficile de n’en pas garder une certaine empreinte, et de se défendre de toute prévention, de toute partialité. J’y ferai pourtant mes efforts, bien convaincu qu’au point où nous en sommes, rien de bon n’est possible en France si les difficultés et les querelles du présent s’augmentent et se compliquent encore des souvenirs et des ressentimens du passé.

La révolution de 1830, on le sait, eut deux causes principales, l’une directe et immédiate, la violation du pacte constitutionnel par le prince et par les ministres qui avaient juré de le maintenir ; l’autre, moins apparente, mais pour le moins aussi efficace, le souvenir de 1815 et l’impatience de la domination étrangère. C’est sous l’influence combinée de ces deux causes que la population se leva d’un bout à l’autre de la France avec une rare unanimité. Mais une fois le gouvernement renversé, l’unanimité cessait naturellement, et de nouvelles questions se posaient entre les vainqueurs. Voici, ce me semble, quelles étaient ces questions :

Quant à la politique intérieure, s’en tiendrait-on à la monarchie constitutionnelle telle que le pays venait de la conquérir, c’est-à-dire à la coexistence de trois pouvoirs, dont l’un, le pouvoir électif, eût, en cas de dissidence, l’influence prépondérante et le dernier mot, ou bien ferait-on un pas de plus et détruirait-on tout pouvoir héréditaire ? En supposant la question résolue en faveur de la monarchie constitutionnelle, laisserait-on le pouvoir politique, résultat de l’élection, entre les mains des classes qui par l’intelligence et le travail se sont élevées à l’indépendance et à l’aisance, ou bien le placerait-on subitement et sans préparation aux mains des classes dont un travail rude et nécessaire occupe la vie et absorbe tous les instans et toutes les facultés ?