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Il n’y a pas plus de dix ans qu’un grand nombre de gens sensés désespéraient des colonies hollandaises et en demandaient l’abandon. Ces mêmes colonies sont aujourd’hui l’une des premières ressources de la Hollande. Ne pourrait-on se souvenir de cet exemple quand on discute la question d’Alger ? Ici, je le sais, les conditions ne sont pas les mêmes. Le sol d’Afrique ne vaut pas celui de l’Inde, et l’Arabe est plus difficile à dompter que le Javanais. Cependant une leçon de persévérance pourrait bien aussi porter parmi nous ses fruits. Pendant deux siècles, la Hollande a lutté avec opiniâtreté contre tout ce qui entravait la prospérité de ses colonies. Elle a lutté contre trois puissantes nations jalouses de la voir s’avancer dans l’Inde, contre les souverains du pays effrayés de ses tentatives d’accroissement, contre une population nombreuse fanatisée par les descendans de ses anciens souverains. Elle a fait, pendant deux siècles, des essais de cultures inutiles, elle espérait toujours recueillir le fruit de ses efforts, de ses sacrifices, et cette terre de Java était comme un gouffre où elle engloutissait ses meilleurs soldats et ses trésors. Nous ne luttons dans l’Algérie que depuis dix ans, et déjà nous y avons fait plus de progrès que la Hollande n’en avait fait dans le même espace de temps à Java. Qui sait jusqu’où la constance, secondant notre courage, pourrait nous conduire, quelle œuvre de conquête et de civilisation l’avenir nous réserve sur le sol barbare de l’Afrique ?

En terminant cette dernière lettre sur la Hollande, je voudrais pouvoir donner une idée précise de la situation matérielle et des ressources financières de ce pays ; mais ce n’est pas chose facile. On ne trouve pas là, comme en France, le compte annuel des recettes et des dépenses. Nulle nation n’agit sous ce rapport avec une sincérité semblable à la nôtre. L’Angleterre elle-même, qui affecte de publier à chaque session du parlement un budget détaillé, tient toujours quelques chiffres en réserve, tandis que nous livrons franchement à la publicité l’état minutieux de nos finances. De tous les pays de l’Europe, la Hollande est celui qui garde le plus grand mystère sur sa situation. La discrétion que ses habitans observent dans leurs affaires de commerce, ils veulent l’avoir aussi dans leurs affaires d’administration, et il n’est pas douteux que cette discrétion ne soit parfois fort utile. Cependant les Hollandais ont fini par trouver que le roi Guillaume Ier la portait un peu trop loin. Peut-être auraient-ils voulu qu’il usât de ses mystérieuses combinaisons avec les étrangers, et fût très explicite envers ses sujets. Or, c’était là ce dont le bon roi ne se souciait aucunement. Depuis 1815 jusqu’à 1830, il eut toujours