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LA HOLLANDE.

daise. Les Anglais achetaient le café à Java, le portaient à Singapour, de là en Angleterre, et réalisaient à chaque cargaison un bénéfice considérable. En outre, les capitalistes hollandais, si riches qu’ils fussent, ne pouvaient rivaliser avec ceux de l’Angleterre. Leurs navires revenaient des Indes à des époques irrégulières. Tantôt les denrées coloniales étaient rares en Hollande et se vendaient très cher, puis soudain elles arrivaient en quantité, et leur valeur baissait subitement. Toutes ces hausses et ces baisses si rapides et si fortes donnaient lieu à des spéculations dangereuses qui troublaient la sécurité du commerce et ébranlaient souvent le crédit des maisons les plus respectables.

Pour obvier à ces graves inconvéniens, pour relever autant que possible la navigation hollandaise, on résolut de former une société de commerce qui, en réunissant ses capitaux, pourrait plus facilement rivaliser avec les armateurs anglais et diriger avec plus d’ordre et de régularité ses entreprises. En 1824, la Handels Maatschappii fut organisée dans ce but. Le roi lui-même était à la tête des actionnaires ; ce roi qui vient d’abdiquer la couronne et de quitter le pays dont il fut pendant vingt-cinq ans le premier négociant. Pour la favoriser dès son origine, le gouvernement lui vendit d’avance toute la récolte du café de plusieurs années ; il la chargea exclusivement de pourvoir aux approvisionnemens de l’administration indienne. Il lui abandonna le transport des troupes nécessité par la guerre qui éclata contre Diepo Negoro. La société de commerce manquant alors de navires, paya aux armateurs de Hollande un fret considérable, et fit de grands bénéfices.

Mais tandis que cette société s’enrichissait par le privilége qui lui était accordé, par l’habileté avec laquelle elle l’exploitait, le pays n’en souffrait pas moins de l’état de la colonie. Chaque année, le déficit s’accroissait, et la guerre entraînait la Hollande dans un abîme de dépenses. À l’appel de Diepo Negoro, des populations nombreuses avaient pris les armes, les chefs des villages et des districts essayaient en vain de les maintenir sous la domination hollandaise. Les malheureux Javanais, long-temps froissés, opprimés, condamnés à de rudes travaux, à l’injustice et à la misère, se levaient en fureur et s’en allaient le fer à la main, à travers les champs qu’ils arrosaient naguère de leurs sueurs, ravageant et incendiant tout ce qu’ils rencontraient sur leur passage ; massacrant sans pitié tous les Européens. Ce fut une guerre d’extermination, une guerre qui dura cinq ans de suite, et dans laquelle périrent plus de deux cent mille Javanais, et plus de trente mille hommes servant sous le pavillon hollandais.