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LA HOLLANDE.

et de se demander quel pouvait en être le résultat. Convaincu qu’il ne devait raisonnablement en attendre aucun fruit avantageux, il résolut de l’abandonner et d’en fonder un nouveau, sur le modèle de celui que lord Cornwallis avait établi dans le Bengale.

Dans les districts de l’île de Java, il y avait eu autrefois des institutions populaires assez semblables à celles du Bengale. Les habitans de chaque village, ou du moins les principaux d’entre eux, jouissaient du droit de se choisir eux-mêmes un chef. Ce chef formait, avec les vieillards, le conseil magistral de la communauté, décidait les questions litigieuses, répartissait les impôts, et distribuait le travail aux divers habitans du village, en épargnant les vieillards et les femmes mariées.

L’administration générale de la contrée était confiée à un certain nombre de députés des différentes tribus, lesquels ne pouvaient prendre aucune décision, prononcer aucun vote, sans l’aveu de leurs commettans ; et lorsqu’une question était mise en délibération dans l’assemblée générale, elle ne pouvait être résolue à la pluralité des voix. Chacun des délégués ayant à soutenir les intérêts de son village, il fallait, pour promulguer un règlement, que tout le monde en acceptât les dispositions ; sinon les dignes mandataires se rendaient sur le champ de bataille, et le vaincu cédait à la volonté du vainqueur.

Au XVe siècle, l’islamisme s’était répandu dans les divers districts de Java et avait détruit ces institutions. Le despotisme oriental avait aboli les droits du peuple ; la volonté du prince avait remplacé l’élection. Mais le souvenir de ces anciens priviléges s’était perpétué par la tradition et vivait encore dans la mémoire des Javanais. Ce fut sur ces anciens priviléges que les Anglais fondèrent leur nouveau système d’administration. Ils assignèrent un traitement déterminé aux princes de l’île, et s’emparèrent de leurs revenus. Ils choisirent dans chaque village un Javanais, qu’ils nommèrent chef de sa tribu, et auquel ils affermèrent, moyennant une rente fixe, toutes les propriétés appartenant à son village, à charge par lui de les livrer à la culture et d’en recueillir le produit. Leur but, en agissant ainsi, était d’annuler autant que possible, comme ils l’avaient fait avec succès dans le Bengale, l’influence des princes du pays, et d’agir eux-mêmes directement sur les insulaires. Ils ne furent pas plus heureux dans leur nouvelle combinaison que le général Daendel, et ne purent échapper à un déficit qui s’élevait, au bout de trois années, à près de 20 millions de francs. De plus, ils eurent une rude guerre à soutenir contre un des principaux souverains de l’île, et tandis qu’ils organisaient leurs