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rieux martyrologe des hommes dont l’ame ardente se dévoue à une idée féconde, à un sentiment de patriotisme, et qui meurent oubliés ou méconnus dans les fers ou dans l’isolement, victimes de leur zèle et de leur noble ambition.

Le retour des compagnons de Houtmann éveilla dans toute la Hollande de nouvelles espérances. Outre les renseignemens que ces navigateurs rapportaient sur les productions, sur le commerce des contrées qu’ils venaient de visiter, ils révélaient à leurs compatriotes la situation réelle des Portugais dans ces mêmes contrées. Jusque-là, on les croyait tout puissans sur les côtes qu’ils avaient découvertes, maîtres absolus des lieux où ils avaient fondé des établissemens, et l’on apprenait que leur avidité cruelle, leur fanatisme, avaient soulevé contre eux les diverses populations de l’Inde, et qu’ils ne se maintenaient, sur plusieurs points, que par la force et par des luttes continues.

Tous les armateurs des Pays-Bas voulurent alors faire leur croisade dans les Indes. C’était la terre promise des marchands, c’était là que la fortune apparaissait aux yeux des spéculateurs rayonnante de gloire et de splendeur comme un nouveau Messie. Une société de commerce pour l’exploitation de ces parages lointains venait de s’établir à Amsterdam ; plusieurs autres se formèrent, à son exemple, dans les diverses provinces. Chacune de ces compagnies avait ses agens particuliers, ses comptoirs, et l’on ne tarda pas à reconnaître qu’elles se portaient toutes par la concurrence un grand préjudice. De plus, elles avaient souvent à se défendre contre les attaques des Portugais ou des princes indiens. Isolées l’une de l’autre, elles ne résistaient que difficilement à leurs ennemis ; réunies en un même corps, elles pouvaient leur opposer une force redoutable.

Les Hollandais avaient le coup d’œil trop juste pour ne pas saisir la portée de ces considérations, et l’esprit trop sensé pour ne pas s’y soumettre. En 1602, les diverses associations des provinces furent réunies en une seule grande société, qui prit le titre de société des Indes orientales. Les états-généraux lui accordèrent un privilége de vingt-un ans. Il était dit dans cet acte solennel que la société aurait seule le droit de négocier, sur toutes les côtes situées à l’est du cap de Bonne-Espérance, qu’elle pourrait mettre sur pied des troupes, élever des forteresses, faire des conquêtes, signer des traités. Le capital de cette compagnie s’élevait à 25 millions. La ville d’Amsterdam en avait à elle seule fourni la moitié ; le reste provenait des négocians de Rotterdam, Hoorn, Enkhuizen et autres villes.

La fécondité du sol de Java, la commodité de la principale rade de