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LE DOCTEUR HERBEAU.

bien me transmettre, répondit M. Savenay. Votre confiance me touche et m’honore, je m’efforcerai de la mériter, et peut-être y réussirai-je, si vous daignez, monsieur, m’aider de vos conseils et m’éclairer de vos lumières.

— Vous trouverez sur ces feuillets, dit M. Herbeau en tirant de sa poche quelques papiers qu’il remit au jeune docteur, l’analyse du traitement que j’ai fait suivre à notre chère souffrante. C’est, ainsi que vous l’avez reconnu vous-même le jour où j’eus l’honneur de vous voir pour la première fois, l’application directe des théories que je développai devant vous sur les maladies chroniques en général. J’y ai joint sur le tempérament du sujet en particulier quelques réflexions qui pourront ne pas vous être tout-à-fait inutiles. Toutes les fois, d’ailleurs, qu’il vous plaira de vous adresser à ma vieille expérience, vous me trouverez prêt à vous communiquer mon sentiment en toutes choses.

À ces mots, le docteur Herbeau se leva.

— Adieu, monsieur, dit-il au jeune docteur. Vous avez servi de prétexte à la malveillance de mes ennemis, je suis convaincu que vous en avez plus souffert que moi, et je vous prie de me pardonner, ajouta-t-il avec bonté en tendant sa main au jeune homme.

M. Savenay, tout ému et tout attendri, s’empara de cette main avec effusion et la pressa respectueusement entre les siennes.

Ce dernier devoir accompli, le docteur Herbeau tourna sa pensée vers son fils, depuis deux ans trop négligé peut-être ! De retour au logis, il se mit aussitôt à son bureau et écrivit la lettre suivante à Célestin :

« Mon cher fils,

« L’heure est venue de tenir vos promesses et de réaliser les espérances que votre mère et moi avons placées sur votre tête. Mon cœur m’assure que vous reconnaîtrez dignement notre amour et nos sacrifices, et que vous ne serez pas au-dessous de la position qui vous est réservée. Je vous attends, mon fils, pour remettre publiquement ma clientèle entre vos mains. Je vous appelle pour me succéder. Hâtez-vous donc, car chaque jour qui s’écoule compromet vos intérêts et ceux de votre famille. Les temps sont bien changés, Célestin ! Il ne s’agit plus de vous asseoir paisiblement dans mon héritage et de régner sans rivaux sur le pays. Vous trouverez établi à Saint-Léonard un jeune docteur de la faculté de Paris qui vous disputera avec achar-