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prés. Aristide ne venait pas. Louise prêta l’oreille aux lointaines rumeurs ; au milieu des confuses harmonies de la campagne, hymne éternel de la terre au ciel, elle n’entendit pas le trot inégal de Colette. À quoi pensait le docteur Herbeau ? Louise sentait ses forces épuisées par la marche. Plus d’une fois elle avait tenté de s’asseoir sous la haie du sentier ; mais, par suite du dernier orage, les fossés étaient encore pleins d’eau, et vainement elle cherchait un tertre qui pût offrir un siége à sa fatigue.

À quelque distance de Saint-Herblain, sur le bord du chemin que suivait Louise depuis près d’une heure, était une masure dès longtemps inhabitée. Ouverte à tous les vents, les hirondelles en faisaient une volière durant les beaux jours. Le soleil et la pluie en avaient transformé le toit de chaume en un véritable parterre où les joubarbes, les campanules et les giroflées croissaient sur une mousse épaisse. On eût dit un tapis de velours vert broché des plus riches couleurs. Affaissé sous les ans moins encore que sous son propre poids, ce toit chargé de fleurs et de verdure offrait une pente presque insensible. Un noyer voisin étendait au-dessus ses feuilles odorantes. Aux alentours, les arbres fruitiers ployaient, comme aurait pu dire le docteur Herbeau, sous les dons luxurians de Pomone. Louise, prompte à saisir les poésies de la nature dans leurs révélations les plus humbles et les plus modestes, se prit à regarder cette pauvre cabane oubliée sur la lisière du sentier, comme d’autres regarderaient Saint-Pierre de Rome ou la colonnade du Louvre ; puis, lassitude et caprice d’enfant, elle eut la fantaisie d’aller chercher sur la toiture le siége et le lit de repos que lui refusait le chemin. Une échelle qui servait probablement à la ferme prochaine pour grimper dans les pruniers et dans les pommiers, était appuyée contre le mur et permettait une facile ascension. En moins de quelques secondes, Louise se vit assise sur un coussin de mousse au milieu des violiers et des campanules qui agitaient, comme pour la saluer, leurs clochettes roses et bleues : toute joyeuse et toute fière de sa conquête, car deux années de souffrance et d’ennui n’avaient pu flétrir entièrement en elle les graces naïves de l’extrême jeunesse, et, même au milieu des récentes préoccupations, il suffisait d’un rayon de soleil, d’une fleur, d’un nuage flottant dans l’air, pour égayer et pour distraire cette aimable et bonne nature.

Tout n’était autour d’elle que lumière, fraîcheur et parfum. Elle se tenait à demi couchée, mollement accoudée sur la mousse, sa tête reposant sur sa main, ses petits pieds, chastement voilés, dépassant