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LE
DOCTEUR HERBEAU.[1]

VII.

Décidément, le Riquemont était jaloux. À partir du jour où il avait surpris le docteur Herbeau aux genoux de Louise, lui baisant les doigts et la comparant à Vénus, ç’avait été chez lui une idée fixe que le docteur Herbeau faisait la cour à Louison. Les gens que les idées visitent rarement se jettent avec avidité sur celles que le hasard leur présente ; ils s’y attachent, s’y cramponnent, et s’en dessaisissent difficilement. M. Riquemont avait d’autant mieux accueilli celle-ci, qu’elle rôdait depuis long-temps autour de son cœur, et qu’il était déjà, à son insu, familiarisé avec elle. Il avait commencé par en rire, mais ses soupçons, à peine éveillés, s’étaient presque aussitôt changés en certitude. Une fois sur la piste, le fin renard s’était tenu en observation, ne perdant pas de vue Aristide, épiant ses moindres gestes, commentant ses moindres paroles, toujours présent à ses visites ; et, bien que de son côté le docteur se tînt prudemment sur ses gardes, chaque visite avait illuminé d’un nouveau trait de lumière l’esprit clairvoyant du rusé châtelain.

Le premier mouvement de M. Riquemont avait été de provoquer

  1. Voir la première partie dans la livraison du 15 octobre.