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Il n’y avait déjà que trop de jeu dans la première Clotilde, et de telles surprises ne se prolongent pas. Les Verselets à mon premier-né seront lus toujours ; le reste ensemble ne suffirait pas contre l’oubli. Quant à l’auteur qui a réussi trop bien, en un sens, et qui s’est fait oublier dans sa fiction gracieuse, un nuage a continué de le couvrir, lui et sa catastrophe funeste. Émigré en 91, il fit, dans l’armée des princes, les premières campagnes de la révolution. Rentré en France, vers octobre 1798, avec une mission de Louis XVIII, il fut arrêté, les uns disent à La Flèche, d’autres à Montpellier (tant l’incertitude est grande !), mais, d’après ce qui paraît plus positif, dans le département de la Haute-Loire, et on le traduisit devant une commission militaire au Puy. Il tenta d’abord de déguiser son nom ; puis, se voyant reconnu, il s’avoua hautement commissaire du roi, et marcha à la mort la tête haute. L’arrêt du tribunal (ironie sanglante !) portait au considérant : condamné pour vols de diligence. André Chénier à l’échafaud fut plus heureux.

Ni l’un ni l’autre n’ont vu sortir du tombeau leurs œuvres. L’un se frappait le front en parlant au ciel ; l’autre, d’un geste, désignait de loin à sa veuve la cassette sacrée.

Surville n’a pas eu et ne pouvait avoir d’école. On se plaira pourtant à noter, dans la lignée de renaissance que nous avons vu se dérouler depuis, deux noms qui ne sont pas sans quelque éclair de parenté avec le sien : Mlle de Fauveau (si chevaleresque aussi) pour la reproduction fleurie de la sculpture de ces vieux âges, et dans des rangs tout opposés, pour la prose habilement refaite, Paul-Louis Courier.

Sainte-Beuve.