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REVUE DES DEUX MONDES.

Auroyent, seulz, esté sans puissance,
Et de mes traicts n’auroyent seu les meilleurs
Sans vostre amour et sa présence.

Ainz de vostre ame à mon ame en secret
Ugne lumière s’est meslée ;
Elle a senty soubs la flour qui mouroit
Ugne beaulté plus recélée.

Vostre doux cueur de jeune fille au mien
A mieulx leu qu’au mirouër qui passe ;
Vous m’avez veue au bonheur ancien
Et m’avez paincte soubs sa grace.

Vous vous diziez : « Ce cueur sensible et pront
Esclayre encore sa pronelle.
Li mal fuyra : levons ce voyle au front ;
Metons-y l’estoile éternelle. »

Et je revys ; et dans mes plus biaulx ans
Je me recognois, non la seule ;
De mes enfans, quelque jour, les enfans
Soubriront à leur jeune aïeule.

Ô jeune fille, en qui le ciel mit l’art
D’embelir à nos fronts le resve,
Que le bonheur vous doingt[1] un long regard,
Et qu’ugne estoile aussy se lesve !

Et remarquez que je n’y ai mis absolument que la première couche. Mais, je le répète, dès que la poésie se présente avec quelque adresse sous cet air du bon vieux temps, on lui accorde involontairement quelque chose de ce sentiment composé qu’on aurait à la fois pour la vieillesse et pour l’enfance ; on est doublement indulgent. Dans Clotilde pourtant, il y a plus, il y a l’art, la forme véritable, non pas seulement la première couche, mais le vernis qui fixe et retient : ainsi ces rondeaux d’un si bon tour, ces flèches des distiques très vivement maniées. Le style possède sa façon propre, son nerf, l’image fréquente, heureuse, presque continue. De nombreux passages exposent une poétique concise et savante, qui me rappelle le poème de l’Invention d’André Chénier et sa seconde Épitre si éloquemment didactique. Dans le Dialogue d’Apollon et de Clotilde,

  1. Donne.