Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 28.djvu/372

Cette page a été validée par deux contributeurs.
368
REVUE DES DEUX MONDES.

se déceler ! Il n’aimait donc pas la gloire ? Il l’aimait passionnément, mais sous cette forme, comme un père aime son enfant et s’y confond. Cette aïeule refaite immortelle, pour lui gentilhomme et poète, c’était encore le nom.

Il faut le louer d’une grande sagacité critique sur un point. Il comprit que cette réforme, cette restauration littéraire de Charles V, avait été surtout pédantesque de caractère et de conséquences, et que ce n’était ni dans maître Alain (malgré le baiser d’une reine), ni dans Christine de Pisan, qu’il fallait chercher des appuis à sa muse de choix. Il fut homme de goût, en ce qu’allant au cœur de cet âge, il déclara ingénieusement la guerre aux gloires régnantes, animant ainsi la scène et sauvant surtout l’ennui.

Mais M. de Surville montre-t-il du goût dans les fragmens de prose qu’il a laissés et qu’on cite ? Vanderbourg y accuse de la raideur, de l’emphase. Cela ne prouverait rien nécessairement contre ses vers. Surville avait l’étincelle : quelque temps il ne sut qu’en faire ; elle aurait pu se dissiper ; une fois qu’il eut trouvé sa forme, elle s’y logea tout entière. Qu’on ne cherche pas l’abeille hors de sa ruche, elle n’en sortit plus.

Et puis il ne faut rien s’exagérer : ce qui fait vivre Clotilde, ce qui la fait survivre à l’intérêt mystérieux de son apparition, ce sont quelques vers touchans et passionnés, ces couplets surtout de la mère à l’enfant. Le reste doit sa grace à cette manière vieillie, à une pure surprise. Tel vers, telle pensée qu’on eût remarquée à peine en style ordinaire, frappe et sourit sous le léger déguisement. Tel minois qui, en dame et dans la toilette du jour, ne se distingue pas du commun des beautés, redevient piquant en villageoise. Rien ne rajeunit les idées comme de vieillir les mots ; car vieillir ici, c’est précisément ramener à l’enfance de la langue. Comme dans un joli enfant, on se met donc à noter tous les mots et une foule de petits traits que, hors de cet âge, on ne discernerait pas. Quoi ? se peut-il que nos pères enfans en aient tant su ? C’est un peu encore comme lorsqu’on lit dans une langue étrangère : il y a le plaisir de la petite reconnaissance ; on est tout flatté de comprendre ; on est tenté de goûter les choses plus qu’elles ne valent, et de leur savoir gré de ressembler à ce qu’on sent. Mais ce genre d’intérêt n’a que le premier instant et s’use aussitôt. Je croirais volontiers qu’une des habiletés du rédacteur ou de l’éditeur de Clotilde a été de perdre, de déclarer perdus les trop longs morceaux, les poèmes épiques ou didactiques : c’eût été trop mortel. Déjà le volume renferme des pièces un peu prolongées ; car