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rien que le XVIIIe siècle à cette date, à cette veille juste de Clotilde, n’ait pu naturellement inspirer, et qui (forme et surface à part) ne cadre très bien avec le fond, avec les genres d’alentour. Énumérons un peu :

Une Héroïde à son époux Bérenger ; Colardeau en avait fait[1]. De plus, le nom d’Héloïse revient souvent, et c’est d’elle que Clotilde aime à dater la renaissance des muses françaises.

Des Chants d’Amour pour les quatre saisons ; c’est une reprise, une variante de ces poèmes des Saisons et des Mois si à la mode depuis Boucher et Saint-Lambert.

Une ébauche d’un poème de la Nature et de l’Univers ; c’était la marote du XVIIIe siècle depuis Buffon. Le Brun et Fontanes l’ont tenté ; André Chénier faisait Hermès.

Un poème de la Phélyppéide ; voyez la Pétréide.

Les Trois Plaids d’or, c’est-à-dire les Trois Manières de Voltaire ; une autre pièce qui rappelle les Tu et les Vous, et où la Philis est simplement retournée en Corydon[2]. — Des stances et couplets dans les motifs de Berquin.

  1. Colardeau et bien d’autres. J’ai sous les yeux un petit recueil en dix volumes, intitulé Collection d’Héroïdes et de pièces fugitives de Dorat, Colardeau, Pezay, Blin de Sainmore, Poinsinet, etc. (1771). Je note exprès ces dates précises et cette menue statistique littéraire qui cotoie les années d’adolescence ou de jeunesse de Surville. On est toujours inspiré d’abord par ses contemporains immédiats, par le poète de la veille ou du matin, même quand c’est un mauvais poète et qu’on vaut mieux. Il faut du temps avant de s’allier aux anciens.
  2. Ici la réminiscence est manifeste et le contre-calque flagrant. Surville a été obligé, dans son roman-commentaire, de supposer que Voltaire avait connu le manuscrit. Ainsi, une pauvre chanteresse appelée Rosalinde chante devant son ancien amant, Corydon, devenu roi de Crimée, et qui n’a pas l’air de la reconnaître :

    Viens ça, l’ami ! N’attends demain !…
    Ah ! pardon, seigneur !… Je m’égare :
    Tant comme ici, l’œil ni la main
    N’ont vu ni touché rien de rare.
    Qu’un baiser doit avoir d’appas
    Cueilli dans ce palais superbe !…
    Mais il ne te souvient donc pas
    De ceux-là que prenions sur l’herbe ?

    Ce sont les derniers vers des Tu et des Vous :

    Non, madame, tous ces tapis
    Qu’a tissus la Savonnerie
    ..........
    Ces riches carcans, ces colliers,