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une idée assez satisfaisante aujourd’hui de ces trois siècles littéraires précurseurs, si on ose les qualifier ainsi.

Dans l’incertitude des origines, le XVIe siècle et l’extrémité du XVe restèrent long-temps le bout du monde pour la majorité même des littérateurs instruits. On n’avait jamais perdu de vue le XVIe ; l’école de Ronsard, il est vrai, s’était complètement éclipsée ; mais, au-delà, on voyait Marot, et on continuait de le lire, de l’imiter. Le genre marotique, chez Voiture, chez La Fontaine, chez J.-B. Rousseau, avait retrouvé des occasions de fleurir. Refaire après eux du Marot eût été chose commune. L’originalité de M. de Surville, c’est précisément d’avoir passé la frontière de Marot, et de s’être aventuré un peu au-delà, à la lisière du moyen-âge. De ce pays neuf alors, il rapporta la branche verte et le bouton d’or humide de rosée : dans la renaissance romantique moderne, voilà son fleuron.

Il se figura et transporta avant Marot cette élévation de ton, cette poésie ennoblie, qu’après Marot seulement, l’école de Ronsard s’était efforcée d’atteindre, et que Du Bellay, le premier, avait prêchée. Anachronisme piquant, qui mit son talent au défi, et d’où vint sa gloire !

Cette étude, pourtant, de notre moyen-âge poétique avait commencé au moment juste où l’on s’en détachait, c’est-à-dire à Marot même. C’était presque en antiquaire déjà que celui-ci avait donné son édition de Villon qu’il n’entendait pas toujours bien, et celle du Roman de la Rose qu’il arrangeait un peu trop. Vers la seconde moitié du siècle, les Bibliothèques françaises d’Antoine Du Verdier et de La Croix du Maine, surtout les doctes Recherches d’Étienne Pasquier, les Origines du président Fauchet qui précédèrent, établirent régulièrement cette branche de critique et d’érudition nationale, laquelle resta long-temps interrompue après eux, du moins quant à la partie poétique. Beaucoup de pêle-mêle dans les faits et dans les noms, des idées générales contestables lorsqu’il s’en présente, une singulière inexactitude matérielle dans la reproduction des textes, étonnent de la part de ces érudits, au milieu de la reconnaissance qu’on leur doit. Ceux qui étaient plus voisins des choses les embrassaient donc d’un moins juste coup d’œil, et même, pour le détail, il les savaient moins que n’ont fait leurs descendans[1]. C’est

  1. En 1594, l’avocat Loisel fit imprimer le poème de la Mort, attribué à Hélinand, qu’il dédia au président Fauchet, comme au père et restaurateur des anciens poètes. Cette petite publication, une des premières et la première peut-être qui ait