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POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

maître, interrogé à ce sujet, me répondit : « Il me paraît impossible que les poésies de Clotilde soient du XVe siècle, et j’ai peine à croire qu’Étienne de Surville ait été capable de les composer au XVIIIe. Vanderbourg doit y avoir eu la principale part en 1803. »

Sans nier que Vanderbourg n’ait eu une très heureuse coopération dans le recueil dont il s’est fait le parrain, sans lui refuser d’y avoir mis son cadeau, d’y avoir pu piquer, si j’ose dire, çà et là plus d’un point d’érudition ornée, peut-être même en lui accordant, à lui qui a le goût des traductions, celle de l’ode de Sapho qu’il prend soin de ne donner en effet que dans sa préface, comme la seule traduction qu’on connaisse de Clotilde, et avec l’aveu qu’il n’en a que sa propre copie, je ne puis toutefois aller plus loin, et, entrant dans l’idée particulière de son favorable biographe, lui rien attribuer du fond général ni de la trame. Vanderbourg a laissé beaucoup de vers ; il en a inséré notamment dans les dix-sept volumes des Archives littéraires, dont il était le principal rédacteur. Mais, sans sortir de sa traduction en vers des Odes d’Horace, qu’y trouvons-nous ? J’ai lu cette traduction avec grand soin. Excellente pour les notes et les commentaires, combien d’ailleurs elle répond peu à l’idée du talent poétique que, tout plein de Clotilde encore, j’y épiais ! Ce ne sont que vers prosaïques, abstraits, sans richesse et sans curiosité de forme ; à peine quelques-uns de bons et coulans comme ceux-ci, que, détachés, on ne trouvera guère peut-être que passables. Dans l’ode à Posthumus (II, XIV), linquenda tellus :

La terre, et ta demeure, et l’épouse qui t’aime,
Il faudra quitter tout, possesseur passager !
Et des arbres chéris, cultivés par toi-même,
Le cyprès, sous la tombe, ira seul t’ombrager.

Et ceux-ci à Virgile : Jam veris comites (IV, XII) :

Messagers du printemps, déjà les vents de Thrace
Sur les flots aplanis font voguer les vaisseaux ;
La terre s’amollit, et des fleuves sans glace
On n’entend plus gronder les eaux.

Ou encore à Lydie (I, XXV) :

Bientôt, sous un portique à ton tour égarée,
Tu vas de ces amans essuyer les mépris,
Et voir les nuits sans lune aux fureurs de Borée
Livrer tes cheveux gris !