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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 octobre 1841.


L’Espagne est encore une fois le théâtre d’une lutte sanglante entre les partis qui l’agitent et la déchirent. Espartero n’a pas tardé à apprendre que le pouvoir n’est pas une tente dressée pour le sommeil. À peine avait-il commencé à goûter ce repos superbe qu’on croit trouver dans les pompes de la royauté, que l’orage, éclatant au sein même du palais des rois, a frappé de terreur cette enfant dont Espartero a voulu se faire le protecteur. Le sang a coulé à Madrid comme dans les provinces. C’est une lutte qu’il était facile de prévoir, et qu’Espartero n’a aucun moyen de terminer par une victoire décisive de son parti.

La question est si simple, que toute illusion nous paraît impossible. Espartero est le représentant d’un parti extrême, et par cela même d’un parti peu nombreux, d’une faible minorité. Il a profité de la lassitude du pays, de l’indolence de la majorité. Il s’est élevé au pouvoir en prenant ses points d’appui d’un côté dans l’armée, de l’autre chez l’étranger, en Angleterre.

Arrivé au faîte par une révolte militaire, Espartero est resté le chef nominal d’un parti, l’instrument des exaltés, l’homme de l’Angleterre ; il n’avait rien en lui de ces grandes qualités qui transforment rapidement en chef de l’état le soldat parvenu, le soldat heureux. Pour faire ainsi oublier son origine et les moyens dont on s’est servi, pour s’imposer à l’admiration, à la reconnaissance et en quelque sorte au culte du pays, il faut être César, Napoléon, Cromwell : avec moins d’éclat, ce dernier était peut-être le plus puissant et le plus habile