situation est celle de l’empire chinois se défendant, par des institutions et par des murailles, contre les idées et les produits du dehors, habité par une race qui professe surtout l’horreur du contact étranger. Or, on peut voir où aboutit cette nationalité exclusive et systématique. Faute d’issue, les populations meurent étouffées sur ce territoire, et quand les récoltes des céréales viennent à manquer, l’équilibre entre les bouches et les subsistances se rétablit par d’épouvantables épidémies. Mais la Chine est glorieuse ; elle n’a pas été tributaire des barbares. Il est vrai que, quand les barbares frappent à ses portes, elle ne sait se défendre qu’avec des monstres peints, et laisse une poignée de soldats rançonner une ville de cinq cent mille ames. Quelle leçon pour les peuples casaniers qui se retranchent volontairement de l’humanité !
Une réforme dans toute l’économie du système extérieur peut seule venir en aide à la marine marchande de la France. La protection directe ne vaut pas l’élan indirect que la liberté imprime toujours aux relations. On a vu les États-Unis improviser une formidable puissance en ouvrant leurs ports à l’univers entier, en se livrant à lui avec la même ardeur que l’on met ailleurs à s’en défendre. Il se peut que les positions ne soient pas les mêmes, et il est hors de doute que nous sommes astreints à plus de ménagemens. Mais il n’en est pas moins évident que la générosité apparente du système américain cachait un calcul profond, et qu’à tout prendre, dans leur intelligent cosmopolitisme, les États-Unis ont plus reçu qu’ils n’ont donné. Cette invasion de toutes les marines du globe n’a pas empêché leur marine de se former, de se placer au premier rang, tant il est vrai que la concurrence, dont on médit de nos jours, est l’aiguillon le plus vif pour pousser les peuples vers la fortune.
La régénération de notre marine marchande tient ainsi à un ensemble de réformes qui ne prévaudront pas de long-temps, parmi nous, à cause des préjugés de l’habitude et des conseils de l’intérêt. Chacun voit sa ruine dans la prospérité du voisin ; on s’effraie moins d’un dépérissement qu’il partage. Nos forces s’épuisent dans cette lutte stérile. On ne saurait donc prévoir le temps où le commerce offrira à nos flottes 150,000 matelots comme chez les Américains, 180,000 comme chez les Anglais. Il ne reste plus dès-lors à notre marine militaire qu’à former de ses mains les élémens que la navigation marchande lui refuse. Sans doute il vaudrait mieux que les mêmes hommes pussent contribuer à la richesse du pays en temps de paix, et à sa défense en temps de guerre ; mais, ce cumul nous étant in-