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fera quatre-vingt-quatrièmes de vaisseau et trois vingt-quatrièmes de frégate. » Ainsi, au milieu même des incertitudes de la politique, le gouvernement se résignait à ne construire qu’un vaisseau et une frégate dans le courant de huit années. Cette situation ne saurait se prolonger. La flotte a besoin de vaisseaux neufs : il est temps qu’on le sente et qu’on y pourvoie.

Les moyens de renouvellement de ce matériel ne sont pas non plus à la hauteur de nos besoins. Nos arsenaux militaires ne contiennent pas, il s’en faut de beaucoup, les approvisionnemens nécessaires pour l’armement fixé par l’ordonnance du 1er février 1837. D’après des calculs qui paraissent fort exacts[1], il manquait, il y a un an, dans nos magasins, 21,000 stères de bois, 300,000 kilog. de cuivre et de bronze, 700,000 kilog. de chanvre, 2 millions de kilog. de poudre de guerre, 4 millions de mètres de cordages, 400,000 boulets, 2 millions de balles de mitraille, 9,000 affûts, 3,000 pièces d’artillerie, et, dans des proportions équivalentes, de la toile à voile, des câbles de fer, des caisses à eau, et autres articles d’équipement. Le dernier budget a sans doute contribué à niveler une portion de ce déficit, mais la distance qui existe entre l’approvisionnement actuel et l’approvisionnement normal est encore très grande. La qualité des matériaux a aussi plus d’une fois excité des plaintes, et dans les existences figurent particulièrement des fers et des bois qui doivent être regardés comme de rebut. Au lieu de 80 cales de construction que nécessitent des travaux actifs, on n’en compte que 53, 10 bassins de carénage quand il en faudrait 20. Tous nos ports militaires manquent de forges, et Toulon, faute d’ateliers suffisans, ne peut pas utiliser tous ses vieux fers, dont l’emploi offrirait une grande économie. Les scieries de bois sont encore dépourvues, dans plusieurs ports, de machines perfectionnées. Enfin les ateliers accessoires restent ce qu’ils étaient avant qu’on eût songé à faire de notre marine un élément de force respectable et sérieux. Pour ce qui concerne la navigation à vapeur, les choses ont fort peu changé depuis l’époque où il en a été question dans cette Revue[2]. Le bateau le Ténare, dernièrement essayé, n’a pas eu des destinées heureuses, et le Pluton, malgré des résultats plus satisfaisans, laisse encore beaucoup à désirer. Il faut attendre maintenant l’épreuve des paquebots

  1. Rapport de M. le baron Tupinier, directeur des ports. — Brochure de M. Maissin, lieutenant de vaisseau.
  2. Voyez dans le no du 1er mai 1840, l’article intitulé Avenir de notre Marine.