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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

dans la circonscription alors très vaste du territoire de la cité, sur la contenance exacte de ces biens, leurs cultures diverses et les mutations de propriété opérées depuis le dernier recensement[1].

Dès le matin du 1er mars, la ville de Limoges fut en rumeur ; une foule de citoyens de toutes les classes encombraient les abords du lieu où la curie devait s’assembler. Les magistrats, les décurions, le défenseur, l’évêque et le haut clergé de la ville, prirent place sur les siéges et les bancs du sénat. Le référendaire Marcus entra dans l’assemblée avec une escorte d’honneur et suivi de gens qui portaient ses livres de cadastre et ses rôles d’imposition. Il présenta sa commission scellée d’une empreinte de l’anneau royal, et déclara le taux et la nature des taxes décrétées par le roi. Dans les temps romains, l’homme qui aurait élevé la voix pour faire des objections et des remontrances, eût été le défenseur, la loi de son institution lui en donnait le privilége ; mais, depuis le règne des barbares, ce chef laïque du pouvoir municipal s’effaçait devant l’évêque, seul capable de prendre en main la tutelle des intérêts de la cité. L’évêque de Limoges, Ferreolus, ne manqua point à ce devoir. Établissant une sorte de prescription contre les droits du fisc, il dit que la ville avait été recensée au temps du roi Chlother, et que ce recensement faisait loi ; qu’après la mort de Chlother, les citoyens ayant prêté serment au roi Hilperik, ce roi avait promis et juré lui-même de ne leur imposer ni loi ni coutume nouvelles, de ne faire aucune ordonnance qui tendît à les dépouiller, mais de les maintenir dans l’état où ils avaient vécu sous la domination de son père[2]. Ces paroles, expression calme du mécontentement public et des velléités de résis-

  1. Plusieurs faits mentionnés par Grégoire de Tours prouvent que les questions relatives à l’assiette des impôts se traitaient, dans chaque ville, entre les commissaires royaux et la municipalité, sans intervention du comte. Voyez ce que Grégoire dit de Marowig, évêque de Poitiers, et de lui-même, lib. IX, cap. XXX.
  2. Respondimus nos dicentes : Descriptam urbem Turonicam Chlothacharii regis tempore manifestum est… Post mortem vero Chlothacharii regis Chariberto regi populus hic sacramentun dedit. Similiter etiam et ille cum juramento promisit, ut leges consuetudinesque novas populo non infligeret, sed in illo quo quondam sub patris dominatione statu vixerant, in ipso hic eos deinceps retineret ; neque ullam novam ordinationem se inflicturum super eos, quod pertineret ad spolium, spopondit. (Greg. Turon., Hist. Franc., lib. IX, cap. XXX ; ibid., p. 350.) — La promesse qu’en 561 le roi Haribert fit aux villes de son partage dut être faite alors par les autres fils de Chlother dans leurs royaumes respectifs. Ce qui concerne la ville de Tours peut donc s’induire pour Limoges, sauf cette différence que Tours prétendait, par privilége, à une exemption absolue d’impôts.