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LE CONSEIL D’ÉTAT.

le conseil d’état. Il a fallu obéir à la loi qui le prescrivait. Mais, le plus souvent, ils ne lui sont déférés qu’au moment même où leur promulgation ne peut plus être retardée, et le conseil d’état est condamné à les discuter en courant. Le gouvernement ne cache pas assez qu’il cède à une nécessité légale et qu’il veut seulement accomplir une formalité. Les limites étroites du crédit du conseil d’état permettent à peine les dépenses d’impression les plus indispensables ; presque toujours on se borne à distribuer, deux ou trois jours d’avance, le texte du projet à délibérer ; des documens fort précieux, des rapports administratifs, des exposés de motifs qui éclaireraient la discussion, qui, distribués aux membres du conseil, leur donneraient le moyen de se livrer personnellement à des études préparatoires, restent entre les mains du rapporteur et servent à peine à la délibération.


Plusieurs des comités du conseil d’état sont, comme on l’a vu, fort occupés. Mais il en est deux presque exclusivement réduits à d’ingrates liquidations de pensions, et qui demeurent étrangers aux affaires de leurs ministères. Ce sont les comités qui correspondent, l’un au département des finances, l’autre aux deux départemens de la guerre et de la marine. Dans les dix années que comprennent les comptes statistiques publiés par le gouvernement, le comité des finances n’a eu que 850 avis à donner, soit 85 par année ; on ne lui a soumis que 48 projets d’ordonnance, soit moins de 5 par année ; il a été consulté sur 12 projets de loi de 1830 à 1834, sur un seulement de 1835 à 1839. Pour qui sait le nombre et l’importance des affaires du département des finances, il est évident qu’on évite à dessein de consulter le comité. Cependant chacune des régies financières a besoin en mille occasions d’avis et de directions. Celle des contributions directes, pour n’en citer qu’une, n’aurait-elle pas tout à gagner à s’appuyer sur l’avis d’un comité du conseil d’état dans les mesures relatives à l’assiette et à la perception de l’impôt ? Je suis convaincu, par exemple, que toutes les complications produites par la question des recensemens eussent été prévenues si, avant de supprimer l’intervention municipale telle qu’elle avait été admise en 1832, et d’établir des formes moins favorables aux intérêts privés, on eût pris l’avis du comité des finances et, au besoin, celui du conseil d’état. S’il eût conseillé le nouveau mode qui a été adopté, la responsabilité du ministre s’en serait trouvée d’autant allégée.

Dans la période décennale comprise aux comptes statistiques, le