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puis les chambres sont saisies. Qu’en résulte-t-il ? Les projets du gouvernement sont dépourvus de toute autorité ; lui-même les défend mal, les soutient peu, s’attache seulement à prévenir l’échec politique d’un rejet, et consent à tout ce qui peut les faire passer, n’importe comment. Mutilés dans les commissions, mutilés dans la discussion, ils en sortent tout déchirés, et tombent ainsi de chute en chute au bulletin des lois. Une rédaction vicieuse, confuse ; des dispositions incohérentes ; point de système, de principe directeur ; des articles qui se contredisent, au moins dans leur esprit ; des lois en vigueur abrogées par ignorance ; la législation générale privée d’unité, et son application créant d’incessantes difficultés ; voilà ce que produit l’incomplète préparation des lois. Ces résultats sont déplorables. Qu’on nomme des commissions pour une question technique, comme celle des paquebots transatlantiques, pour l’établissement d’un impôt, pour une enquête, je le conçois ; mais dans les sujets ordinaires, dans les matières qui touchent à l’administration, au gouvernement intérieur de l’état, à la police, la seule commission à consulter, c’est le conseil d’état.

Depuis quelques années, un usage louable a été adopté : tous les projets de loi d’intérêt local lui sont soumis. Son contrôle y est fort utile. Ces lois sont surtout des actes d’administration, et les chambres, qui les votent en masse, ne leur accordent qu’une attention très secondaire. C’est au conseil d’état qu’il appartient de les examiner, d’étudier l’état financier des communes ou des départemens, de créer des règles pour les impôts, les emprunts, etc., et d’empêcher le désordre de se jeter dans ces affaires. Il s’est acquitté de ce devoir avec conscience et fermeté, et l’année dernière, préoccupé à juste titre des embarras que signalaient des budgets communaux et départementaux, il a refusé d’approuver plusieurs propositions d’emprunts ou de contributions extraordinaires. Mais ce refus contrariait certaines personnes ; elles ont insisté pour que l’avis du conseil d’état ne fût pas suivi, et le ministre a cédé ; résolution régulière en droit, mais fort regrettable, car elle avait pour résultat de décourager le conseil d’état, de consacrer des actes de mauvaise administration, et enfin, au point de vue ministériel, d’enlever au gouvernement le droit et la facilité d’opposer, en pareil cas, à la tyrannie de certaines obsessions la délibération du premier corps administratif du royaume.


Tous les règlemens d’administration publique sont délibérés dans