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LE CONSEIL D’ÉTAT.

blique, tous ces grands intérêts réglés par des principes fixes et soumis à des doctrines communes ; l’autorité judiciaire et les corps électifs contenus dans les limites de leurs attributions ; les autorités administratives ramenées à une action légale et régulière ; les lois qui régissent l’administration observées et uniformément appliquées, tels sont les résultats généraux obtenus par l’intervention du conseil d’état dans les nombreuses questions que résument les détails statistiques que je viens d’analyser.


Quelques esprits prévenus considèrent encore le conseil d’état comme un complaisant du pouvoir, souple, commode, subissant toute volonté et approuvant toute chose, si le gouvernement l’ordonne. On cite le conseil d’état de l’empire, et, parce que l’empire était absolu et s’appuyait sur le conseil d’état, on le croit complice nécessaire du pouvoir absolu. Sous la restauration, un député a pu dire, sans trop surprendre la chambre, que les conseillers d’état étaient les oppresseurs du peuple. On est aujourd’hui revenu de ces opinions extrêmes, et, dans un temps où nulle tyrannie n’est possible, on consent à reconnaître que le conseil d’état n’est pas absolument un conseil des dix ni une chambre étoilée, mais on lui refuse encore l’indépendance et l’amour des libertés publiques. Rien n’est plus injuste. Sous l’empire même, la discussion ne cessa jamais d’être libre dans le conseil d’état, et l’opinion du chef de l’état était loin d’y faire loi. Sous la restauration, les acquéreurs de biens nationaux y ont trouvé défense, secours et protection utile. À toutes les époques, quoi qu’on en puisse dire, il a fait son devoir sans faiblesse. Je ne sais ce qu’il serait, appelé à un rôle politique, mais il n’en doit point jouer, et, pour la discussion et le règlement des questions administratives, on ne trouverait pas ailleurs plus de fermeté ni de véritable indépendance. Je ne dis point qu’il soit un instrument d’opposition. Cela n’est point et ne doit pas être ; mais j’affirme, pour avoir pris part à ses travaux pendant près de dix années, qu’il n’attache aucun prix à plaire au pouvoir, qu’il n’est esclave que de ses propres principes, que, s’il n’est point opposant, il est essentiellement critique, et je n’en voudrais pour preuve que l’opinion des bureaux eux-mêmes qui redoutent son contrôle et s’appliquent souvent à l’éviter. Je ne prétends pas non plus que le conseil d’état soit un corps libéral, comme l’entendent certaines personnes. J’avouerai, si l’on veut, que, depuis vingt-cinq ans, il a renfermé bon nombre d’hommes qui, après avoir traversé plusieurs révolutions, avaient conservé quelque fatigue de ces agitations,