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LE CONSEIL D’ÉTAT.

de traces que cette foule de juridictions spéciales et d’institutions secondaires que la royauté absolue a entraînées dans sa chute.


Le conseil d’état, reconstitué sous le consulat, trouve le principe de la séparation des pouvoirs consacré par l’assemblée constituante, une cour de cassation chargée de maintenir, par l’unité de jurisprudence, l’uniforme application des lois, des assemblées dans le sein desquelles toute discussion allait être étouffée, un gouvernement qui, après avoir aboli la délibération politique, avait besoin de se créer un autre instrument pour la conduite des affaires publiques. Cette situation détermine le rôle du nouveau conseil d’état ; il reprend, ou plutôt il obtient pour la première fois la haute direction administrative, son domaine propre ; il est chargé, dans le jugement des conflits, de prévenir ou d’arrêter les empiétemens de l’autorité judiciaire ; il devient enfin le bras droit du gouvernement, le dépositaire des traditions politiques et administratives, et, seul entre tous les corps publics, il voit régner dans son sein la liberté de discussion.

Sous le consulat et l’empire, le conseil d’état est un pouvoir constitutionnel ; il rédige les lois, les discute quand elles sont présentées au corps législatif, les interprète quand elles sont rendues ; l’empereur l’initie aux plus graves intérêts du temps. Des fonctionnaires de l’ordre le plus élevé, traduits devant des commissions prises dans son sein, sont appelés à lui rendre compte de leurs actes ; ses membres, depuis les conseillers d’état jusqu’aux simples auditeurs, reçoivent les missions les plus importantes, administrent les pays conquis, organisent leurs finances, rédigent leurs codes. Les ministres, dominés par ce corps puissant, soumis à son contrôle et presque à sa censure, n’occupent que le second rang dans la hiérarchie administrative. Ses attributions sont peut-être moins nombreuses que sous l’ancien régime, mais son autorité est supérieure. Les gouvernemens forts agrandissent tout ce qui leur appartient : Napoléon communiquait à son conseil d’état un reflet de sa gloire, et, au lieu des débris confus d’un pouvoir en ruines, l’empire réunissait en ses mains toute la force organisée par les lois de l’assemblée constituante que le principe de l’unité dans l’action, introduit par le nouveau régime, avait rendues viriles et efficaces.


Sous le régime constitutionnel, le conseil d’état n’a point, comme sous l’ancienne monarchie, des attributions judiciaires ; la justice est