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sur le conseil d’état : une commission de la chambre des députés, composée d’hommes graves et compétens, s’est prononcée contre ses principales dispositions, et propose un système absolument contraire. Le débat s’engagera, selon toutes les apparences, dès le commencement de la prochaine session. Il est à propos d’en indiquer à l’avance les élémens, en exposant le caractère véritable du conseil d’état et les questions les plus importantes qui doivent s’agiter.

I.

Le conseil d’état actuel est le successeur nominal et, en certains points, l’héritier du conseil d’état de l’ancienne monarchie et de celui de l’empire, mais il diffère d’eux par des traits essentiels. Comme eux, il siége auprès du pouvoir central et l’éclaire de ses avis, mais toutes leurs attributions n’ont point passé entre ses mains, et il en exerce dont ils ne furent point investis.

Avant 1789, le conseil d’état offre l’image de la confusion qui régnait dans les pouvoirs publics. Il prend part à la fois à la politique et au gouvernement par son intervention dans les affaires étrangères, les finances, le commerce, à la justice par les règlemens de juges, les évocations et les cassations, à l’administration par la juridiction qu’il exerce sur les ordonnances des intendans, les décisions de la cour des aides et de la cour des comptes ; mais, s’il empiète sur la justice, la justice à son tour lui dispute ses pouvoirs, et tandis qu’à l’aide des évocations, il la dépouille de contestations purement judiciaires, elle s’empare, dans les parlemens, par le moyen des arrêts de règlement et des ajournemens personnels, de l’action administrative.

Ce qui est considéré comme formant l’ancien conseil d’état, en est moins un que la réunion de cinq conseils séparés, constituant autant de corps distincts : les uns investis d’une véritable juridiction, les autres purement consultatifs, tous dépourvus d’attributions destinées à être exercées en commun.

La robe, l’église, l’épée, la finance, entrent dans ces conseils ; les affaires les plus considérables y sont traitées, et cependant, malgré le nombre des attributions, malgré l’étendue d’un pouvoir qui se confondait avec celui de la monarchie, l’importance du conseil d’état s’efface devant celle des parlemens ; il n’occupe pas une grande place dans l’histoire de l’administration française, et n’a guère laissé plus