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aussi une grande habitude ; mais ces divers ouvrages, si estimables qu’ils soient, ne sont malheureusement pas à la hauteur de ce grand nom d’école florentine. Un jeune peintre qui s’appelle tout simplement Michel-Ange Buonarrotti a exposé un Botzaris ; l’œuvre n’est pas sans talent, mais pourquoi est-elle signée d’un nom qui l’écrase ?

On signale cependant comme dignes d’attention les ouvrages de deux jeunes pensionnaires de l’académie de Florence à Rome. L’un de ces jeunes artistes se nomme Mussini ; c’est un peintre, et il a exposé un tableau représentant l’ange de la musique sacrée. L’autre est statuaire, du nom de Fedi ; il a envoyé un bas-relief représentant Jésus et le paralytique, et deux bustes-portraits. M. Mussini paraît étudier spécialement les maîtres primitifs ; sa manière tend à se rapprocher de celle du Pérugin, mais sans affectation, sans esprit de système. Le bas-relief de M. Fedi est conçu dans une intention analogue ; la figure du Christ y est admirable de tout point. Ses deux bustes sont aussi fort remarquables de vie et d’expression, surtout celui de femme. Du reste, la statuaire paraît en meilleure voie que la peinture à Florence ; un Américain établi dans ce pays a exposé des bustes d’un très beau travail, et un Florentin, M. Fantacchioti, un buste charmant de la Laure de Pétrarque. Ces diverses sculptures sont en marbre blanc de Serravezza, riche carrière dont une compagnie française a depuis peu de temps entrepris l’exploitation, et qui produit un marbre supérieur même à celui de Carrare.

Au nombre des meilleurs ouvrages de cette exposition de Florence sont sans contredit les tableaux de deux Français. Le Moïse de M. Sturler est une œuvre distinguée où se fait sentir l’influence de l’école de M. Ingres. Mais un tableau tout-à-fait remarquable, c’est une vue de l’église de Saint-Marc à Venise, par M. Perrot. M. Perrot est connu par les vues qu’il a déjà données des principaux monumens de l’Italie ; celle-ci ne peut qu’accroître sa réputation. C’est, dans le même genre de sujets, autre chose qu’un Canaletto ; on n’ose pas dire que ce soit mieux, mais on ne veut pas non plus dire que ce soit moins bien. Les moindres détails de cette architecture si étrange et si frappante de Saint-Marc sont rendus avec le soin le plus consciencieux, et l’ensemble est en même temps d’une grande magie. Du reste, la France n’était pas seulement représentée à l’exposition de Florence ; elle l’était encore dans le sein même du congrès par M. de Blainville, ce savant naturaliste, le professeur Lallemand de Montpellier, etc. Le nom de M. Orfila est inscrit sur la liste des membres du congrès, mais le célèbre doyen de notre Faculté de médecine a quitté Florence quelques jours avant l’ouverture.


V. de Mars.